Reprise de son poste par le salarié

Jurisprudence de la Cour de cassation - Reprise de son poste par le salariéLa reprise de son poste par le salarié, après une période d’absence injustifiée, empêche-t-elle de le licencier pour faute grave ? Dans cette jurisprudence, la Cour de cassation indique que le seul fait que le salarié ait repris son poste après son absence irrégulière suite à une mise en demeure empêche de caractériser la faute grave. La reprise de son poste par le salarié montre, en effet, que le contrat de travail peut se poursuivre au moins durant un préavis, ce qui est contraire à la notion de faute grave.

Le contexte de l’absence irrégulière et du licenciement pour faute grave

Un chef de service éducatif, salarié de l’association SOS Drogue International, depuis 1999, s’est plaint de harcèlement le 3 juillet 2007. A la suite l’employeur a demandé un audit au CHCT, dont les résultats ne sont pas allés dans le sens du salarié. L’employeur a cependant proposé au salarié un autre poste accompagné d’une modification de son contrat de travail, que celui-ci a refusé dès le 20 novembre 2007.

A partir du 26 novembre 2007, le salarié ne s’est pas présenté à son poste de travail. Ensuite, par lettre datée du 29 novembre 2007 (dont il n’a pas établi quand elle avait été postée et qui n’a été présentée l’employeur que le 3 décembre 2007), il demandait des congés du 26 novembre 2007 au 9 décembre 2007.

L’employeur qui n’avait pas reçu cette demande, a pour sa part, écrit au salarié le 30 novembre, en constatant que le salarié ne s’était pas présenté à son poste de travail depuis le 26 novembre 2007 et qu’il n’a pas reçu de justificatif pour cette absence. Dans ce même courrier l’employeur mettait en demeure le salarié de réintégrer immédiatement son poste de travail et de justifier de son absence, en précisant que sans cela il prendrait une sanction pouvant aller jusqu’à la rupture du contrat de travail.

Le salarié n’a pas répondu à ce courrier et s’est présenté à son poste seulement le 10 décembre 2007.

L’employeur l’a licencié pour faute grave le 4 janvier 2008 aux motifs de son absence injustifiée du 26 novembre au 10 décembre 2007 et de manquements graves dans la conduite de l’équipe dont il était chargé, rendant impossible son maintien dans son poste.

Le contentieux à la suite du licenciement

A la suite de son licenciement pour faute grave, le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour demander le paiement de diverses indemnités. Le Conseil de prud’hommes a donné satisfaction au salarié, mais le premier jugement a fait l’objet d’un appel de la part de l’employeur.

La cour d’appel de Montpellier a débouté le salarié de ses demandes. L’arrêt du 16 juin 2010 a retenu que l’absence injustifiée du salarié jusqu’au 10 décembre 2007 et ses manquements dans la conduite de son équipe du fait de son manque d’écoute, de ses retards dans l’établissement des plannings et du climat de tension qu’il instaurait ont caractérisé une faute grave.

Le pourvoi en cassation

Le salarié débouté par la cour d’appel de toutes ses demandes, a formé un pourvoi en cassation.

Le salarié a formulé les griefs suivant contre l’arrêt de la cour d’appel, pour demander son annulation par la Cour de cassation :

  • -l’employeur ne peut pas invoquer des motifs contradictoires comme l’impossibilité de le maintenir à son poste et d’autre part son absence à ce poste ;
  • l’employeur qui, suite à des manquements reprochés au salarié, lui a proposé un autre poste avec une augmentation, ne peut pas ensuite le licencier pour faute grave pour les mêmes manquements ;
  • ses arguments (selon lequel le licenciement était survenu suite à la dénonciation des faits de harcèlement et d’autre part selon lequel l’employeur ne pouvait lui imposer une modification de son contrat de travail comme seule réponse à cette dénonciation) n’ont pas été examinés par la cour d’appel.

L’arrêt de la Cour de cassation

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Après avoir rappelé que pour débouter le salarié, l’arrêt de la cour d’appel avait retenu que l’absence injustifiée du salarié et ses manquements dans la conduite de son équipe ont caractérisé une faute grave, la Cour de cassation a considéré « qu’en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la faute grave, alors qu’elle avait constaté que le salarié avait repris son poste au terme de son absence comme le lui avait demandé l’employeur, ce dont il résultait que son comportement n’empêchait pas la poursuite de son contrat de travail, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ».

Sur cette motivation, la cour de cassation a cassé et annulé dans toutes ses dispositions, l’arrêt de la cour d’appel de Montpellier rendu le 16 juin 2010 et a renvoyé l’affaire devant la cour d’appel de Nîmes pour un nouveau jugement.
(Cour de cassation, chambre sociale, 29 février 2012, N° : 10-23183)

Conclusion : La Cour de cassation considère que le seul fait que le salarié ait repris son poste après son absence irrégulière empêche de retenir la faute grave qui par définition est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. 

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Source : Jurisprudence de la Cour de cassation – Légifrance.gouv.fr.

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