Contester l’abandon de poste

Quels arguments sont recevables ? Ai-je un recours en justice pour contester l’abandon de poste ?

Quels arguments sont recevables pour contester un abandon de poste ? Ai-je un recours en justice pour contester l’abandon de poste ? Julien

19/06/2017 à 9 h 28 min

Bonjour,

Merci pour l’apport d’information sur l’abandon de poste via votre site web.

J’ai également opté pour cette option pour quitter mon entreprise. Après plus d’un an de négociation pour négocier un départ, j’ai trouvé porte close. En mai 2016, j’ai commencé à parler avec mon « n+1 » de mon envie de quitter mes fonctions via une rupture conventionnelle. Ravi de l’entendre, il me dit d’en faire la demande auprès de la Direction. Lettre de refus en juillet invoquant que ce n’est pas dans les pratiques RH que d’accepter des ruptures conventionnelles. Suite à ça, j’ai commencé à subir quelques pressions de la hiérarchie pour me pousser à démissionner (16 ans d’ancienneté / cadre).

Je réitère ma demande de rupture conventionnelle au mois d’octobre 2016 qui se solde également par un refus en décembre.

Ne voyant aucune issue, j’ai été contraint d’abandonner mon poste au mois d’avril 2017.
La procédure a été respectée au pied de la lettre et après 8 semaines, j’ai été licencié pour faute grave.

Ce qui m’amène à vous écrire est que tout récemment (début juin 2017) un autre cadre de l’entreprise s’est vu proposer une rupture conventionnelle alors que soi-disant la politique RH ne le permettait pas (ce cadre a également 16 ans d’ancienneté).

Ai-je un recours en justice pour contester l’abandon de poste avec ce nouvel élément ? J’ai gardé 2 mails où mon « N+1 » me propose clairement de démissionner. J’ai relevé également que je n’avais plus accès à mes mails professionnels pendant les 2 mois de la procédure (changement de mot de passe), est-ce légal ?

Si oui, quelle est la démarche à suivre ?

Merci pour vos réponses.

Réponse : arguments recevables et possibilité de recours en justice pour contester l’abandon de poste

Réponse : arguments recevables et possibilité de recours en justice pour contester l’abandon de poste Admin

21/06/2017 à 22 h 40 min

Bonjour,

Une rupture conventionnelle peut être acceptée ou refusée librement

Il se peut que votre employeur ait changé sa politique concernant les ruptures conventionnelles. Cependant, il est plus probable que votre interlocuteur vous a donné comme réponse que la politique RH de l’entreprise excluait les ruptures conventionnelles, pour ne pas vous dire pourquoi la réponse était négative en ce qui vous concerne. En fait, beaucoup d’entreprises refusent la rupture conventionnelle lorsque le salarié la demande. Les employeurs ne veulent souvent pas payer une indemnité alors que le salarié qui veut partir peut démissionner.

Par contre, les mêmes entreprises peuvent proposer la rupture conventionnelle, lorsqu’elles souhaitent le départ d’un salarié. La rupture conventionnelle remplace alors le licenciement, plus en douceur et avec en principe la même indemnité.

En droit, la rupture conventionnelle peut être acceptée par l’employeur pour un salarié et refusée pour un autre. L’employeur comme le salarié est libre de l’accepter ou de la refuser au cas par cas, sans avoir à se justifier. Le principe est celui du libre consentement  Il est donc impossible de vous servir d’une rupture conventionnelle avec un autre salarié, alors qu’elle vous avait été refusée pour contester la validité de votre licenciement pour abandon de poste.

Que penser du fait que votre N+1 vous ait « proposé » de démissionner ?

Le fait que votre N+1 vous ait suggéré de démissionner  ne pourrait être un motif de remise en cause de votre licenciement pour abandon de poste que si le contexte était celui d’un harcèlement tendant à vous pousser à la démission ou à la faute et non celui d’un refus par l’employeur d’une rupture conventionnelle. Simplement dire à un salarié qui veut quitter l’entreprise, qu’il peut démissionner n’a rien d’anormal ; la démission est un mode de rupture unilatéral par le  salarié de son contrat de travail, prévu par le code du travail. Ensuite, votre N+1 n’est ni l’employeur, ni le DRH…

L’employeur peut-il bloquer la messagerie professionnelle ?

La messagerie professionnelle appartient à l’employeur qui la met à votre disposition pour votre activité professionnelle. C’est à priori un outil de travail que l’employeur peut attribuer ou non. Ce qui est protégé ce sont d’éventuel dossier personnel (au sens de non-professionnel).

A partir de votre abandon de poste, votre absence irrégulière fait que vous n’avez pas d’activité professionnelle, il est donc normal que votre employeur vous retire l’accès à la messagerie professionnelle. S’il y a eu retrait de votre accès à la messagerie professionnelle, avant votre abandon de poste, il faudrait déterminer si ce retrait entre simplement dans l’exercice du pouvoir d’organisation et de direction dont dispose la direction de l’entreprise, ou si elle constitue un élément d’une discrimination ou d’un harcèlement dont vous auriez fait l’objet.

En fait, le blocage de votre accès à la messagerie professionnelle peut avoir constitué une mesure préventive, si votre employeur avait des raisons de ne plus vous donner sa confiance. A posteriori, cette explication pourrait sembler accréditée par votre abandon de poste.

Ce site gratuit est financé par la publicité, merci de nous soutenir.

Quelle possibilité de  recours en justice pour contester l’abandon de poste ?

Un salarié licencié pour abandon de poste, généralement pour faute grave, peut saisir le conseil de prud’hommes pour contester :

  • l’existence d’une cause réelle et sérieuse : il s’agit de contester le caractère illégitime du départ brusque ou discret du salarié de l’entreprise,
  • ou pour obtenir au moins une requalification du degré de la faute : il s’agit d’obtenir une qualification de faute simple (justifiant un licenciement avec indemnités), à la place de faute grave.

Les chances d’obtenir un jugement favorable pour un salarié licencié pour abandon de poste et absence irrégulière sont toutefois assez limitées, comme cela peut être constaté concernant les arguments soumis à l’analyse par Julien.

L’appréciation du caractère réel et sérieux et de la gravité par les juges

Pour apprécier le caractère réel et sérieux du motif abandon de poste et absence irrégulière et la gravité de la faute commise par le salarié, les juges vont prendre en compte un ensemble d’éléments.

Le juge du fond (conseil de prud’hommes et cour d’appel) va examiner les faits et les apprécier souverainement :

  • l’abandon de poste était-il réel, ou incertain, ou bien l’absence du salarié était-elle légitime;
  • le licenciement par l’employeur aurait-t-il été trop rapide, empêchant ainsi le salarié de justifier son absence ?
  • le contexte, notamment en cas de harcèlement du salarié par l’employeur ou sa hiérarchie, sera aussi pris en compte.

D’autres éléments pourront aussi être pris en considération : l’ancienneté, la nature des fonctions, la place dans la hiérarchie et les antécédents disciplinaires du salarié, ainsi que les conséquences de l’abandon de poste et de l’absence irrégulière du salarié sur le fonctionnement de l’entreprise.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

A lire aussi : Départ du poste et absence légitimes

                          et Abandon de poste et faute grave

Rejoindre la première page du site Abandon de poste

© Abandon de poste – La marque et le contenu du site abandondeposte.fr sont soumis à la protection de la propriété intellectuelle. Le site Abandon de poste est le 1er site complet d’expertise et conseil autour de l’abandon de poste. Article : Contester l’abandon de poste. Les mots clés sont : abandon de poste ; recours en justice pour contester l’abandon de poste ; faute grave ; absence irrégulière ; contestation devant les juges ; abandon de poste et appréciation des faits ; rupture conventionnelle refusée ; blocage de la boite mail professionnelle ;  caractère réel et sérieux ; gravité de la faute ; conseil de prud’hommes.