Employeur : que faire suite à l’abandon de poste d’un salarié ?

Employeur : que faire suite à l’abandon de poste d’un salarié ?

Il existe des règles légales pour la procédure à suivre par l’employeur pour présumer qu’un salarié en CDI a démissionné. Il existe aussi des règles à suivre pour rompre un CDD pour faute grave suite à son abandon de poste. Mais, que doit faire un employeur suite à l’abandon de poste d’un salarié ?  Eh bien, il est d’abord souhaitable d’analyser la situation avant d’appliquer la procédure obligatoire. Les formes d’abandon de poste étant diverses, ces actions doivent être adaptée à chaque situation. 5 juillet 2023.

Analyser la situation avant de lancer la procédure légale suite à un abandon de poste

Les motifs d’absence d’un salarié sont divers. Ainsi, même des situations de disparition brusque ou inexpliquées du salarié ne sont pas forcément un abandon de poste. En effet, si l’absence est légitime, il ne s’agit pas d’un abandon de poste ! C’est pourquoi, la première chose qu’un employeur doit faire est d’apprécier si l’absence du salarié est bien illégitime ou non. Et cela avant de le mettre en demeure.

Certes, celle-ci est obligatoire pour présumer démissionnaire un salarié en CDI et le plus souvent nécessaire pour rompre un CDD. Puisqu’elle est faite pour mettre le salarié au pied du mur. Mais, il est fortement conseillé à l’employeur de commencer par s’informer, lorsqu’un salarié se trouve en absence inexpliquée. Car :

  • d’une part, mieux vaut ménager un salarié qui ne serait pas réellement en abandon de poste
  • et d’autre part, un employeur a intérêt à éviter un recours devant le Conseil des prud’hommes par le salarié. Celui-ci pourrait contester avoir abandonné son poste, après la rupture.

En pratique, l’employeur devra faire le choix des actions à mettre en œuvre suite à un abandon de poste, en fonction :

  • de la certitude ou non qu’il s’agit bien d’un abandon de poste,
  • que celui-ci est ou non gravement fautif  (mise en danger de tiers, ou d’installations, notamment),
  • ainsi que des témoignages et preuves disponibles.

Lorsque l’abandon de poste présente un caractère certain, l’employeur pourra engager la procédure légale très rapidement. Mais, s’il existe un doute et à fortiori lorsque l’absence est simplement inexpliquée, l’employeur aura intérêt à rechercher des informations avant de conclure à l’abandon de poste.

Ce que peut faire un employeur avant d’engager la procédure légale suite à un abandon de poste

Tenir compte des circonstances de l’abandon de poste

Les circonstances de ce qui ressemble à un abandon de poste, les fonctions du salarié, ainsi que le motif de son absence doivent être prises en compte pour apprécier le caractère de l’absence.

Pour en savoir plus sur la question de l’appréciation du caractère illégitime, ou légitime, de l’abandon de poste, voir l’article Départ du poste et absence légitime.

Dans la plupart des entreprises, il est d’usage qu’un salarié malade téléphone pour prévenir de son arrêt maladie, ou indique qu’il attend de voir le médecin. Par ailleurs, le délai d’envoi de l’arrêt de travail est théoriquement de 48 heures. Mais, si ce délai doit normalement être respecté, mais il convient d’y ajouter un délai postal.

Et de toute façon, le non-respect de ces règles ne permet pas à lui seul de conclure à un abandon de poste. En effet, le salarié quel qu’en soit la raison peut ne pas être en capacité de prévenir de ce qui explique son absence au travail. Et même si le salarié n’a pas d’excuses valable pour justifier tardivement son absence, il ne risque pas pour cela une rupture de son contrat de travail. Dans ce dernier cas, l’employeur pourra décider une sanction moindre.

Rechercher des informations auprès de l’entourage professionnel et si nécessaire familial du salarié

Autre chose qu’un employeur peut faire après ce qui semble être un abandon de poste : rechercher de l’information sur ce qu’est devenu le salarié et sur les raisons de sa disparition. Pour cela, lui, ou son représentant peut interroger la hiérarchie du salarié et ses collègues de travail. Certains ont peut-être des informations.

Si l’absence se prolonge sans information, l’employeur ou son représentant peut chercher à prendre des nouvelles auprès de la famille, voire du voisinage du salarié, en indiquant son inquiétude. En effet, le salarié peut, par exemple, être hospitalisé et ne pas pouvoir communiquer avec l’employeur. Il peut aussi être seul et avoir eu un malaise chez lui.

Une trace de ces démarches sera conservée, pour le cas échéant, montrer ultérieurement la bonne foi de l’employeur.

Envoyer des courriers suite à l’abandon de poste

A défaut d’informations déterminantes pour savoir s’il s’agit, probablement ou non, d’un abandon de poste, que peut encore faire un employeur avant la procédure pour abandon de poste ? Il peut lui écrire, sans qu’il s’agisse déjà d’une mise en demeure, qui présente un caractère procédural brutal. Pratiquement, le mieux est d’adresser simultanément la lettre en courrier recommandé avec accusé réception et son double en lettre simple. L’envoi de ces courriers peut raisonnablement intervenir autour du quatrième jour suivant la disparition du salarié. Cela aura permis de tenir compte du délai de réception d’un arrêt de travail.

Ces courriers rappelleront et dateront les faits : constatation du départ, ou de la non présentation à son poste du salarié, sans avoir prévenu et sans justificatif fourni ; absence non justifiée qui se poursuit. Ils souligneront la grave perturbation résultant de cette absence sur le fonctionnement de l’entreprise/du service. Ces courriers pourront aussi, le cas échéant, faire part de certaines informations recueillies et des interrogations qui demeurent. Mais, ces courriers ne doivent pas constituer un avertissement qui serait une sanction et en interdirait une autre pour les mêmes faits.

Utilité de la recherche d’information

Cette recherche d’information justifiera plus tard la qualification de faute grave pour un CDD. Elle servira aussi en cas de contestation de la réalité de l’abandon de poste et de réfutation de sa démission, par le salarié en CDI, après que l’employeur ait considéré la rupture contractuelle effective du fait du salarié. Ou, le cas échéant, pour justifier un licenciement pour insubordination, ou absence irrégulière.

Si l’employeur le souhaite, il peut renouveler ces courriers en les actualisant. Par exemple, en écrivant : « à ce jour…, malgré notre première lettre recommandée du … vous ne vous êtes toujours pas manifesté ».

Suite à un courrier, il sera nécessaire de laisser un temps suffisant, mais non excessif, permettant une manifestation du salarié, ou d’un proche de celui-ci (par exemple, en cas de grave problème de santé). En pratique, sept jours peuvent sembler raisonnables.

Mise en œuvre de la procédure légale suite à l’abandon de poste 

Deux procédures différentes suite à un abandon de poste pour les CDI et les CDD

Depuis l’entrée en vigueur de la présomption de démission des abandons de poste, il faut bien distinguer ce qui est applicable pour les salariés en CDI et ce qui l’est pour ceux en CDD. Jusque-là les salariés en CDI ayant abandonné leur poste pouvaient être licenciés pour faute grave. Désormais, l’abandon de poste d’un salarié en CDI fait l’objet d’une présomption de démission après une mise en demeure infructueuse.

Pour ce qui concerne les salariés en CDD, rien n’a changé, la rupture pour faute grave est toujours possible. En effet la modification législative ayant instauré la présomption de démission est intégrée au Titre III du code du travail. Or, celui-ci porte uniquement sur la « rupture du contrat de travail à durée indéterminée du code du travail ». Il n’y a pas de démission possible pour les salariés en CDD, et donc pas de présomption de démission possible !

Concernant les salariés en CDI, méfiez vous. Vous trouverez, en effet, sur internet de nombreux sites qui ne sont pas à jour. Car ils n’ont pas pris en compte l’instauration de la présomption de démission en 2023.

D’autres sites donnent à penser que l’employeur aurait désormais le choix entre l’utilisation de la présomption de démission et le licenciement pour faute grave comme avant. Or, s’il est possible de licencier le salarié sur un motif différent de l’abandon de poste, le licencier pour faute grave pour abandon de poste semble extrêmement risqué. Le salarié pourrait, en effet, faire déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse par les prud’hommes. Il pourrait pour cela invoquer le fait que son abandon de poste était une démission après application de la procédure. Car seul le salarié peut réfuter la présomption de démission en démontrant qu’il n’a pas abandonné son poste. En effet, je ne vois pas quel argument l’employeur pourrait utiliser pour réfuter la présomption. Pour obtenir des indemnités, le salarié pourrait se plaindre de préjudices : perte du droit au préavis, caractère vexatoire et gênant pour sa carrière future.

L’employeur peut-il enclencher immédiatement la procédure de rupture suite à l’abandon de poste ?

Juridiquement, après un abandon de poste, un employeur le peut le faire. Mais, en pratique, mieux vaut éviter que le salarié justifie son absence, quelques jours après ! 

1er cas : Si le constat d’un abandon de poste est pleinement caractérisé, que la probabilité du retour du salarié est très faible et que les preuves sont réunies, l’employeur pourra passer immédiatement à la procédure légale.

2ème  cas : Si le salarié a quitté son travail sans mot dire, ou ne s’est pas présenté pour reprendre son travail et que la raison de sa disparition est inconnue, ou que les preuves manquent, l’employeur a intérêt à se renseigner avant d’appliquer la procédure légale.

Procédure légale pour utiliser la présomption de démission suite à l’abandon de poste d’un salarié en CDI

Procédure pour rompre un CDD pour abandon de poste

Voir les 7 risques de l’abandon de poste pour l’employeur.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et en dernier Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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