Licenciement après deux mois de l’ex-épouse
Abandon de poste à partir de la non-conciliation de divorce par l’épouse de l’employeur et licenciement un an et demi plus tard, sans invoquer un autre motif : L’abandon de poste peut-il motiver le licenciement au-delà de deux mois ? Une prestation compensatoire dans un divorce doit-elle être prise en compte comme indemnisation d’un licenciement abusif ? L’indemnisation du préavis est-elle due, alors que la salariée ne se tenait plus à disposition de l’employeur ? Jurisprudence de la cour de cassation.
Le contexte du licenciement pour abandon de poste
Une épouse, salariée de son conjoint comme employée de laboratoire dans un cabinet d’analyses médicales, a cessé de travailler le 31 janvier 1997, lorsqu’une ordonnance de non-conciliation des époux a été rendue, dans le cadre d’une procédure de divorce. Attendant la démission de son épouse en cours de divorce, le mari employeur a tardé pour procéder au licenciement pour abandon de poste. Il n’a procédé au licenciement pour faute grave au motif d’abandon de poste que le 24 juin 1999.
Le contentieux prud’homal entre les ex-époux, suite au licenciement pour abandon de poste
La salariée licenciée a saisi la juridiction prud’homale pour contester le licenciement. L’affaire jugée devant la cour d’appel a abouti à un arrêt selon lequel le licenciement pour abandon de poste était dépourvu de cause réelle et sérieuse (arrêt de la cour d’appel de Toulouse, 9 novembre 2000).
Le pourvoi en cassation de l’employeur (et ex-époux)
Suite à l’arrêt de la cour d’appel, l’employeur a formé un pourvoi en cassation concernant :
- la justification du licenciement,
- les dommages et intérêts,
- et l’indemnisation du préavis.
La contestation sur le caractère réel et sérieux du licenciement pour abandon de poste
L’argument de l’employeur pour justifier le licenciement pour abandon de poste
L’argument de l’employeur, à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel qui avait dit le licenciement pour abandon de poste sans cause réelle et sérieuse, reposait sur le principe que si aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement d’une procédure disciplinaire au-delà de deux mois à partir du jour où l’employeur en a eu connaissance, l’expiration de ce délai de deux mois ne peut pas être opposée à l’employeur dont le salarié poursuit un comportement fautif. En l’espèce, la salariée (ex-épouse) avait continué à ne pas respecter ses obligations en ne reprenant pas le travail.
La Cour de cassation dit cet argument sur le licenciement pour abandon de poste non fondé
La Cour de cassation rejette l’argument de l’employeur. Selon la Cour de cassation « si un fait fautif, dont l’employeur a eu connaissance plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, peut être pris en considération lorsque le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai, l’abandon de poste, qui présente un caractère instantané, ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires au-delà du délai de deux mois… ». Or, « la lettre de licenciement reprochait à [la salariée] d’avoir cessé toutes relations de travail le 31 janvier 1997 et […] aucun autre fait fautif n’était intervenu depuis lors ». De ce fait, la Cour de cassation a dit que « la cour d’appel a exactement décidé que l’abandon de poste invoqué était prescrit lors de l’engagement de la procédure disciplinaire au mois de juin 1999 ».
La contestation sur les dommages et intérêts
La contestation par l’employeur des dommages et intérêts
L’employeur a aussi fait grief à l’arrêt de la cour d’appel de l’avoir condamné à payer 80 000 francs de dommages-intérêts pour licenciement abusif, alors que, selon lui, le préjudice résultant pour son ex-épouse de la rupture de son contrat de travail avait déjà été réparé, dans le cadre de leur divorce, puisqu’une rente mensuelle de 12 000 francs qui lui avait été attribuée à titre de prestation compensatoire avait été fixée en tenant compte de la rémunération de 9 000 francs, qu’elle perdrait en étant « contrainte à priori de démissionner, perdant ainsi toute source de revenus ».
La Cour de cassation rejette cette contestation des dommages et intérêts
La Cour de cassation rejette la contestation des dommages et intérêts par l’employeur, en indiquant que « le règlement des conséquences patrimoniales d’un divorce étant étranger à l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, les juges du fond n’avaient pas à répondre aux conclusions inopérantes de l’employeur qui soutenait que le préjudice résultant de la perte de l’emploi avait déjà été réparé dans le cadre de la procédure du divorce ».
La contestation sur l’indemnisation du préavis
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La contestation par l’employeur de l’indemnisation du préavis
Enfin, l’employeur reprochait à la cour d’appel de l’avoir condamné au versement d’une indemnité pour le préavis. Pour ce faire, l’employeur invoquait le principe selon lequel « le salarié ne peut se voir allouer une indemnité de préavis qu’à la condition de s’être tenu à la disposition de l’employeur afin de l’exécuter », ce qui n’avait pas été le cas de son ex-épouse et salariée, après l’ordonnance de non-conciliation des époux.
La Cour de cassation rejette également cette dernière contestation de l’employeur
La Cour de cassation rejetant la contestation de l’employeur concernant l’indemnisation du préavis, a indiqué « que lorsque la faute grave est écartée, l’employeur est nécessairement débiteur de l’indemnité compensatrice de préavis, sans qu’il y ait lieu de vérifier si le salarié pouvait ou non l’exécuter dès lors que l’inexécution du préavis résulte en ce cas de la décision de l’employeur de le priver du délai-congé ».
Ayant jugé non fondés tous les moyens (éléments de contestation) de l’employeur, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi (Cour de cassation, chambre sociale, 29 janvier 2003, N°: 01-40036).
Conclusion : Au-delà de deux mois à compter de l’abandon de poste, l’employeur qui n’a pas engagé la procédure de licenciement, ne peut plus motiver le licenciement sur le seul abandon de poste qui présente un caractère instantané. L’absence injustifiée qui se poursuit depuis l’abandon de poste est par contre un motif valable. Pour en savoir plus, voir Licenciement dix mois plus tard.
Le lien familial et les dispositions arrêtées dans le cadre d’un divorce, ne peuvent pas dispenser d’une stricte application des règles du droit du travail.
L’indemnisation du préavis est toujours dû, quel que soit les circonstances, lorsqu’un licenciement pour faute grave est jugé abusif.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : Jurisprudences de la Cour de cassation – Légifrance.gouv.fr
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