Licenciement pour abandon de poste très rapide
Jurisprudence de la Cour de cassation sur un licenciement très rapide pour abandon de poste, lors d’une réunion d’information. Les circonstances ont été primordiales pour la justice prud’homale, pour apprécier la légitimité du licenciement pour abandon de poste effectué très rapidement et de la faute grave. Réaction de l’employeur : mise à pied conservatoire du salarié dès le lendemain et licenciement deux semaines après l’abandon de poste. Arrêt de la cour d’appel, pourvoi en cassation du salarié et arrêt de la Cour de cassation.
Le contexte du licenciement pour abandon de poste très rapide
Un salarié avait été engagé en décembre 1998 par une société d’ingénierie comme projeteur.
Le 23 avril 2008, le salarié a quitté, sans autorisation, une réunion d’information concernant le nouveau dispositif d’aménagement du temps de travail applicable au personnel. Le lendemain matin, le salarié ne s’est pas présenté au poste de travail qu’il occupait depuis plusieurs mois. De plus, il a organisé son départ anticipé de son site d’affectation, en manifestant son intention de quitter le site et de ne reprendre le travail qu’au siège de la société.
Dès le 24 avril 2008, le salarié faisait l’objet d’une mise à pied conservatoire. A partir du 25 avril suivant, il était en arrêt maladie. Et le 7 mai 2008, son employeur le licenciait pour faute grave. La lettre de licenciement motivait celui-ci par l’abandon de poste.
Le contentieux prud’homal suite au licenciement très rapide pour faute grave pour abandon de poste
Le salarié a alors saisi la juridiction prud’homale.
L’arrêt de la cour d’appel qui reconnait le fondement du licenciement rapide pour faute grave constitué par l’abandon de poste
La cour d’appel de Lyon saisie, après le conseil de prud’hommes, a reconnu que le licenciement était fondé sur une faute grave. Et elle a débouté le salarié de ses diverses demandes au titre de la rupture. (arrêt du 25 octobre 2011).
Le pourvoi en cassation du salarié
A la suite de l’arrêt de la cour d’appel, le salarié a formé un pourvoi en cassation. Selon l’argumentation du salarié, il ne pouvait pas être regardé comme ayant quitté son poste de travail sans justification postérieurement au 23 avril 2008, puisque l’exécution de son contrat de travail avait été suspendue à compter de cette date par la mise à pied conservatoire et par l’arrêt maladie.
Par ailleurs, le salarié affirmait qu’il avait simplement critiqué les modalités de reconnaissance et de paiement des heures supplémentaires et n’avait quitté la réunion (qualifiée par lui d’« informelle ») du 23 avril 2008 que pour manifester son opposition. Ceci entrait, selon lui, dans le cadre de sa liberté d’expression.
Il considérait aussi que sa « simple intention manifestée […] de quitter la mission à laquelle il était affecté » n’était pas un abandon de poste effectif, contrairement à ce que la cour d’appel avait retenu.
Par ailleurs, il reprochait notamment à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si, comme il le soutenait le caractère informel de la réunion du 23 avril 2008 n’étaient pas de nature à rendre facultative sa participation à la réunion litigieuse.
Enfin, le salarié concluait que « ne saurait caractériser [une faute grave] le fait, pour un salarié, justifiant d’une ancienneté de près de dix années et n’ayant fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire, de quitter pour quelques heures son poste de travail à la suite d’un désaccord avec sa direction sur les contreparties accordées au personnel sur les heures ».
D’autre part, le salarié contestait le refus de la cour d’appel de décider de l’indemniser pour le temps de déplacement supplémentaire par rapport à ce qui était habituel.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a indiqué que le moyen du salarié [comprendre : ses arguments] concernant le licenciement pour faute grave n’était pas fondé.
Pour la Cour de cassation, « la cour d’appel a [en effet] constaté, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, que le salarié, à la suite de son opposition manifestée lors d’une réunion de service sur les heures supplémentaires, avait quitté son poste de travail avant l’horaire prévu, s’était abstenu de s’y présenter le lendemain matin et avait organisé son départ anticipé du site sur lequel il était affecté en mission depuis plusieurs mois ; qu’elle a pu en déduire, nonobstant l’ancienneté du salarié, que ce comportement rendait impossible son maintien dans l’entreprise et caractérisait une faute grave ».
Dans cette affaire la Cour de cassation a par contre donné gain de cause, par une cassation partielle, au salarié sur sa contestation relative au rappel d’heures de déplacement. Mais ceci ne concerne pas directement notre sujet, l’abandon de poste.
(Cour de cassation, chambre sociale, 15 mai 2013, N°: 11-28749)
Conclusion : La jurisprudence est généralement sévère pour les salariés commettant un abandon de poste. Et la faute grave est généralement retenue. Dans certains cas, la justice prud’homale peut juger que les circonstances autorisent un licenciement pour abandon de poste très rapide. Mais, en général, les employeurs doivent être prudents avant de considérer qu’il y a abandon de poste et de le qualifier de faute grave. Avant tout, ils doivent notamment être sûr que l’absence du salarié n’est pas légitime.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : Jurisprudences de la Cour de cassation – Légifrance.gouv.fr
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