Départ du poste et absences légitimes
Départ du poste et absences légitimes. Un départ du poste et une absence peuvent être légitimes et non fautives. Et la jurisprudence précisera probablement que les mêmes causes d’absence ne caractérisent pas non plus une démission. Ces causes sont la maladie, l’exercice du droit de retrait, certains motifs graves imputables à l’employeur, ou la force majeur. Le salarié peut aussi reprendre son poste après un abandon. Il faut aussi tenir compte de l’ancienneté et le comportement antérieur du salarié.
Des modes de rupture différents entre CDI et CDD
La création par le législateur d’une présomption de démission en cas d’abandon de poste par un salarié en CDI conduit à s’interroger : Quelles seront les situations qui ne devront pas être considérées comme une démission ? Mais, il y a une forte probabilité que la jurisprudence écartera la présomption de démission dans les mêmes situations qu’elle a écarté la faute ou la faute grave du salarié.
Par ailleurs, pour les CDD en abandon de poste, l’employeur pourra toujours rompre le contrat pour faute grave. Pour les CDD, la jurisprudence existante continuera donc à s’appliquer.
En fait pour les CDI et les CDD, le mode de rupture est désormais différent, mais sa justification reste la même. La question est de savoir s’il s’agit, ou non, réellement d’un abandon de poste.
Un départ de son poste comme une absence peut être légitime
Et donc, écarter la présomption de démission pour un salarié en CDI, comme la faute grave pour celui en CDD !
Abandon de poste et maladie constitutive d’une absence légitime
Un arrêt maladie, même justifié avec un certain retard, ou le fait que le salarié quitte son poste pour aller voir un médecin en raison d’un problème de santé, n’est pas fautif. De même, ce n’est pas une démission. Ce qui ne veut pas dire que le salarié soit dispensé de prévenir au plus tôt. De manière générale, l’état de santé d’un salarié ne peut constituer un motif de licenciement, ni l’obliger à démissionner.
Ce sont seulement, la non justification de l’absence, ou l’inaptitude constatée par le médecin du travail, ou encore une absence prolongée ou des absences fréquentes et répétées pour maladie qui peuvent justifier la rupture du contrat de travail. Encore faut-il absolument, dans ce dernier cas, que l’employeur établisse l’existence de perturbations à la bonne marche de l’entreprise rendant nécessaire le remplacement définitif du salarié absent.
Par ailleurs, si la visite de reprise lorsqu’elle est requise après un arrêt maladie n’a pas eu lieu, le salarié qui ne reprend pas le travail à l’issue de son arrêt maladie et ne justifie pas son absence ne peut pas être licencié pour abandon de poste. Car le contrat restant suspendu, le salarié n’a pas l’obligation de travailler (Cour de cassation, chambre sociale, 6 mai 2015, N° : 13-22459). Dans la même situation, il ne sera pas possible de considérer que le salarié a démissionné.
Des motifs graves peuvent justifier le départ et une absence légitime du salarié
Un rapide départ parce qu’un proche parent est en train de mourir, ou a eu un accident, sera généralement considéré comme non fautif. Cela ne doit pas, non plus, être considéré comme une démission… L’absence devant être provisoire.
L’usage légitime du droit de retrait, qui s’exerce sans nécessiter l’accord de l’employeur, n’est nullement fautif. Ce n’est évidemment pas non plus une démission. Le salarié a, en effet, le droit d’arrêter son travail et, si nécessaire, de quitter son lieu de travail pour se mettre en sécurité. Et il est en droit de ne pas reprendre son activité tant que la situation de danger persiste. Toutefois, pour que l’usage du droit de retrait soit légitime, il faut que le salarié ait un motif raisonnable de penser qu’il y a un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Ou qu’il constate une défectuosité dans les systèmes de protection. Le droit de retrait du salarié ne doit cependant pas entraîner une nouvelle situation de danger grave et imminent pour d’autres personnes.
Le droit de retrait est facilement utilisé collectivement dans certaines entreprises publiques (SNCF, RATP). Mais attention, l’abus d’un salarié invoquant de manière injustifiée le droit de retrait, dans d’autres entreprises pourra être considéré et sanctionné comme un abandon de poste.
Bien évidemment, l’exercice du droit de grève prévu (article L. 2511-1) ne peut pas être considéré comme une démission, ou une faute.
La force majeure est à considérer, même si l’absence non justifiée ne peut se prolonger
Si une grève d’avion empêche le salarié de revenir de ses vacances pour reprendre son travail à la date normale, il ne sera pas possible de considérer cela comme un abandon de poste, à partir du moment où le salarié prévient son employeur dès que possible. Il en sera de même en cas d’accident de voiture ou d’un autre problème de transport, à la condition que le salarié prévienne l’employeur et fasse en sorte que l’absence soit la moins longue possible.
Situations particulières
Le cas du salarié qui reprend son poste
Par ailleurs, si après un abandon de poste, un salarié se présente plus tard et reprend effectivement son poste, la sanction possible ne sera pas celle pour abandon de poste, mais éventuellement pour son comportement et l’absence irrégulière.
L’ancienneté et le comportement du salarié jusqu’à l’abandon de poste doivent être pris en compte
La Cour de cassation a estimé qu’une cour d’appel avait pu juger que ne reposait pas sur une faute grave, ni même sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement d’un salarié absent une semaine sans justification, alors qu’il s’agissait d’un unique manquement en 25 ans de carrière, et que le salarié avait eu jusque-là un comportement irréprochable (Cour de cassation, chambre sociale, 7 mars 2006, N° 04-43782).
Bien évidemment, le retour du salarié exclut qu’il s’agisse d’une démission. Sauf, si le salarié indique qu’il revient faire son préavis de démission.
Ensuite : le comportement du salarié jusqu’à l’abandon de poste sera-t-il pris en compte pour apprécier s’il y a démission ou non du salarié en CDI, par abandon de poste ? Cette question pourra se poser si le salarié conteste sa démission après que l’employeur l’aura constatée suite à une mise en demeure.
L’employeur peut porter la responsabilité de légitimer l’abandon de poste du salarié
Si l’employeur est gravement fautif, le licenciement ou la démission pour abandon de poste ne sont pas justifiés
Selon la jurisprudence, le licenciement pour abandon de poste du salarié n’est pas justifié si celui-ci reproche, avec raison, à l’employeur une modification unilatérale de son contrat de travail. Cela pourra intervenir notamment du fait d’un passage d’horaires de jour à des horaires de nuit non prévu contractuellement. (Cour de cassation, chambre sociale, 22 mai 2001, N° : 99-41146).
La justice prud’homale requalifie généralement le licenciement pour abandon de poste en licenciement sans cause réelle et sérieuse, lorsque l’employeur a précédemment commis une faute grave. Par exemple, le non-paiement du salaire, un harcèlement, etc…
La démission ne pourra pas être reconnue dans les mêmes situations expliquant l’absence du salarié.
Le décret sur l’abandon de poste cite, entre autres motifs, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, comme contraire à la présomption de démission.
Délais pour engager la procédure suite à un abandon de poste
Si l’employeur doit éviter la précipitation puisque l’absence du salarié peut être légitime, il doit aussi ne pas trop tarder.
Pour un CDD, dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire concernant la faute du salarié, il doit agir assez vite. Car sinon il risque de voir la justice prud’homale juger le délai excessif pour invoquer la faute grave. Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle approuvé une cour d’appel ayant jugé qu’un délai de six semaines était excessif après que le salarié ait brutalement quitté son poste de travail. La faute grave est en effet celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. (Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2000, N° : 98-43441).
Concernant les CDI, sauf jurisprudence à venir qui dirait le contraire, rien n’oblige l’employeur à agir dans un certain délai pour mettre en demeure le salarié de justifier son absence ou de reprendre le travail. La réglementation ne prévoit qu’un délai minimum de 15 jours à compter de la date de présentation de la mise en demeure.
Conclusion : Son absence pouvant être légitime, la prudence s’impose avant de qualifier d’abandon de poste une disparition du salarié
Ce qui, au premier abord semble être un abandon de poste, peut donc finalement n’être qu’une absence légitime. L’employeur doit donc bien s’assurer du caractère illégitime de l’abandon de poste.
Concernant un salarié en CDI, il est recommandé de chercher à avoir de ses nouvelles avant de lui envoyer une mise en demeure. Car si son absence est légitime et qu’il doit revenir, mieux vaut éviter de l’avoir brutalisé trop précipitamment.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr
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