7 risques de l’abandon de poste pour l’employeur

risques de l'abandon de poste pour l'employeur7 risques de l’abandon de poste pour l’employeur : mal gérer le temps en se précipitant ou au contraire en prenant trop son temps ; le retour du salarié ; croire à tort à la démission du salarié ; se contenter de cesser de rémunérer le salarié ; licencier pour faute grave un salarié en CDI, malgré la présomption de démission ; être considéré comme le fautif et devoir payer des indemnités ; devoir verser la prime de précarité. Mis à jour le 9 juin 2023.

Avant d’examiner les risques de l’abandon de poste pour l’employeur, rappelons :

  • que pour les CDI existe désormais une présomption de démission
  • et que pour les CDD l’issue reste la rupture pour faute grave.

1er risque pour l’employeur après un abandon de poste : la mauvaise gestion du temps

Le risque pour l’employeur de se précipiter

Dans certains cas, le départ de son poste ou l’absence non-immédiatement expliquée du salarié peut être justifié. Il faut donc s’assurer qu’il s’agit bien d’un abandon de poste. Par ailleurs, il n’est pas souhaitable de brutaliser un salarié dont on ne veut pas se séparer. C’est pourquoi, l’employeur ne doit pas se précipiter. Et qu’il lui est fortement recommandé de commencer par contacter le salarié pour s’informer des raisons de son absence. Ensuite, si nécessaire, il faudra poursuivre la procédure suite à un abandon de poste.

Le risque pour l’employeur de trop prendre son temps après un abandon de poste d’un salarié en CDD

Un employeur qui constate la faute d’un salarié ne dispose légalement que de 2 mois pour engager la procédure.
Mais, en pratique, l’employeur doit engager bien plus rapidement. En effet, selon la jurisprudence, en l’absence d’une action assez rapide, la faute grave ne peut plus être retenue. Or seule celle-ci autorise la rupture d’un CDD par l’employeur avant le terme. (1)

2ème risque pour l’employeur après un abandon de poste : le retour du salarié pour reprendre son travail

Le risque pour l’employeur du retour du salarié sans mise en demeure

L’employeur ne souhaite souvent pas qu’un salarié ayant abandonné son poste revienne, car il a perdu toute confiance dans celui-ci.

Or, le salarié peut revenir sans que l’employeur se soit manifesté… Ou, après réception d’une simple demande de justification, ne constituant pas une mise en demeure. La rupture consécutive à l’abandon de poste ne sera alors plus possible, puisque le salarié aura repris son travail.

Et pour un CDD, si l’employeur est resté passif à la suite de l’abandon de poste et que le temps a passé, la gravité de la faute du salarié sera d’autant plus amoindrie que l’employeur aura tarder à engager une procédure.

Le risque pour l’employeur du retour du salarié après mise en demeure

Le salarié peut reprendre son travail suite à la réception d’une lettre de mise en demeure de reprendre son travail, envoyée par l’employeur.

Dans cette hypothèse, l’employeur ne peut plus considérer que le salarié en CDI a démissionné. Au maximum, l’employeur pourra alors licencier le salarié en CDI pour faute sérieuse au motif de l’absence. Et seulement si celle-ci a été injustifiée et d’une durée suffisante. L’employeur devra alors payer l’indemnité de licenciement. Bien sûr, il sera possible de sanctionner par un avertissement l’absence irrégulière.

Et si le salarié est en CDD, l’employeur ne pourra plus rompre le contrat au motif de l’abandon de poste. Puisque le salarié aura repris son poste et que l’employeur ne peut rompre le contrat que pour faute grave, ou inaptitude. Or, il n’y a pas de faute grave si le salarié a repris son poste après une pise en demeure. (2)

3éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : croire à tort à la démission du salarié

Le risque pour l’employeur de considérer l’abandon de poste comme une démission, sans appliquer la procédure

L’employeur ne doit pas interpréter l’abandon de poste du salarié en CDI. Il ne doit jamais considérer que le salarié exprime implicitement son intention de démissionner. En effet, selon la jurisprudence ancienne de la Cour de cassation, une démission doit être claire et non équivoque. Il est donc exclu de considérer, sans appliquer la procédure légale *, l’abandon de poste, ou quelque absence prolongée comme une démission. La Cour de cassation a même jugé comme sans valeur les dispositions de certaines conventions collectives qui prévoient que l’absence d’un salarié pendant un certain temps est considérée comme une démission.

* Pour que la présomption de démission soit prise en compte, la nouvelle législation exige que le salarié ne reprenne pas son travail et ne justifie pas son absence dans le délai fixé après une mise en demeure par son employeur.

Et concernant les salariés en CDD, la démission n’existe pas juridiquement, elle est donc impossible.

Le risque pour l’employeur de prendre en compte une démission verbale du salarié en CDI sans le mettre en demeure

L’employeur ne doit pas prendre en compte une déclaration de démission du salarié faite sous le coup d’un mouvement d’humeur. Car, d’une part, l’employeur devra pouvoir prouver la réalité de cette « démission verbale » du salarié. Et d’autre part, si tant est que son existence soit établie, la justice prud’homale pourrait admettre une rétractation du salarié ayant fait part de sa démission. (3)

De plus, même en cas de situation équivoque, la justice prud’homale pourrait requalifier la démission du salarié en prise d’acte de la rupture.

Par suite, l’employeur victime de l’abandon de poste serait condamné à des indemnités.

La mise en demeure prévue par la nouvelle législation est donc indispensable, à défaut d’un écrit du salarié.

4éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : se contenter de cesser de rémunérer le salarié

Parfois l’employeur ne se manifeste pas auprès du salarié. Et il cesse de faire un bulletin de salaire au salarié. Parfois, l’employeur arrête même la rémunération du salarié en lui versant son solde de tout compte. Ou encore, il ne lui verse même pas le salaire dû au titre de la période précédant l’abandon de poste.

L’employeur risque alors que le salarié ayant abandonné son poste, prenne acte de la rupture en en faisant porter la faute sur l’employeur. La justice prud’homale pourra donner raison au salarié et juger que la rupture est au tort de l’employeur. Celui-ci, pourtant victime de l’abandon de poste, serait ainsi condamné à des indemnités prud’homales. Celles-ci s’ajouteront aux indemnités de licenciement et de préavis !

L’employeur doit impérativement appliquer la procédure. Et jusqu’à son aboutissement, il doit éditer un bulletin de salaire mensuel du salarié. Il y indiquera la retenue pour heures non travaillées, correspondant à l’absence injustifiée. Car le salaire peut être « suspendu », mais non « arrêté ». En outre, bien sûr, les heures travaillées avant l’abandon de poste doivent être payées à la date habituelle de paie.

5éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : licencier un salarié en CDI, sur ce motif, malgré la présomption de démission

La loi ayant instauré une présomption de démission en cas d’abandon de poste par un salarié en CDI *, l’employeur court un risque important s’il licencie le salarié pour abandon de poste. Et cela, quand bien même le salarié en exprimerait le souhait. En effet, par intérêt, le salarié pourrait contester le licenciement en arguant de la présomption de démission… La probabilité en serait particulièrement forte si l’employeur avait invoqué la faute grave. La juridiction, donnant raison au salarié, le salarié obtiendrait alors : le paiement du préavis et une indemnité prud’homale.

* Certes cette présomption peut être contestée. Le salarié peut avoir des motifs pour cela (maladie, droit de retrait, harcèlement subi, par exemple). Par contre, l’employeur pourra difficilement trouver un motif valable pour écarter la présomption de démission et procéder à un licenciement.

Par contre, un licenciement semble rester envisageable sur un autre motif : l’absence injustifiée, l’insubordination… Mais, l’employeur devra disposer d’un dossier extrêmement solide pour justifier le licenciement sur ces motifs après un abandon de poste.

6ème risque pour l’employeur après un abandon de poste : être déclaré fautif et devoir payer des indemnités au salarié

L’abandon de poste autorise le plus souvent une rupture sans indemnité :

  • Soit par le constat de la démission du salarié en CDI, en l’absence d’un retour après la mise en demeure et le respect du délai.
  • Soit par une rupture pour faute grave du salarié en CDD.

Mais, le salarié peut invoquer un motif d’absence légitime à n’importe quel stade de la procédure, même devant le Conseil de prud’hommes, après que l’employeur ait constaté la démission (salarié en CDI) ou ait prononcé la rupture (salarié en CDD). Et pour un CDD, encore faut-­il que la faute grave soit caractérisée. Or, la justice prud’homale considère que ce n’est pas toujours le cas.

Pour une appréciation juridiquement correcte des faits, lire :

Le risque pour l’employeur en cas de modification unilatérale du contrat de travail

Selon la jurisprudence, la rupture du contrat initiée par l’employeur suite à un abandon de poste n’est pas justifiée si le salarié reproche, de manière justifiée, à l’employeur une modification unilatérale de son contrat de travail. Comme par exemple le passage d’horaires de jour à d’autres de nuit.

Le risque pour l’employeur ayant commis une faute grave

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La justice prud’homale requalifiera généralement en licenciement sans cause réelle et sérieuse une rupture suite à un abandon de poste, ou une prise d’acte du salarié, dès lors que l’employeur avait précédemment commis une faute grave. Par exemple un non-paiement du salaire, un harcèlement, etc.

Le risque pour l’employeur dû à l’absence d’une visite de reprise obligatoire

Si une visite de reprise après un arrêt de travail était requise et n’a pas eu lieu, l’employeur ne peut pas tirer de conséquence de la non- reprise du travail du salarié ou de la non justification de son absence. Car le contrat de travail est resté juridiquement seulement suspendu. (4)

7éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : devoir payer la prime de précarité au terme du CDD

Il est fréquent que les employeurs se contentent de suspendre la rémunération du salarié en attendant le terme normal du CDD. Ceci est parfaitement légal.

Mais, dans ce cas, l’indemnité de précarité ne serapas perdue par le salarié pour la partie antérieure à l’abandon de poste. Alors qu’elle l’aurait été si l’employeur avait procédé à la rupture pour faute grave, suite à l’abandon de poste. Voir Abandon de poste CDD et la Procédure de rupture pour abandon de poste.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et dernièrement Editeur juridique et relations humaines sur internet.

Autres sites pouvant vous intéresser : Rupture conventionnelle et  Licenciement pour inaptitude.

(1) La Cour de Cassation a rappelé que « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ». Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2000, N°: 98-43441.

(2) Selon la Cour de cassation, une absence injustifiée d’un salarié ne caractérise pas la faute grave lorsque le salarié a repris son poste au terme de son absence comme le lui avait demandé l’employeur, « ce dont il résultait que son comportement n’empêchait pas la poursuite de son contrat de travail ». Cour de cassation, chambre sociale, 29 février 2012, N°: 10-23183.

(3) La jurisprudence peut, en effet, considérer que la démission ne résultait que d’un mouvement d’humeur, n’aurait existé que sous le coup de l’émotion ou de la colère… Ou encore, parce que le salarié se trouvait dans un état psychologique anormal.

(4) La Cour de cassation a ainsi dit non fondé une rupture pour abandon de poste « en l’absence de visite de reprise ». Car « le contrat de travail demeurait suspendu et le salarié n’était pas tenu de reprendre le travail ».

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