7 risques de l’abandon de poste pour l’employeur

risques de l'abandon de poste pour l'employeur7 risques de l’abandon de poste pour l’employeur : mal gérer le temps en se précipitant ou au contraire en prenant trop son temps ; le retour du salarié après mise en demeure de le faire, ou non ; croire à tort à la démission du salarié ; agir comme si la rupture du contrat de travail avait eu lieu ; croire que l’abandon de poste permet toujours le licenciement pour faute grave ; voir absoudre par la justice le salarié et être considéré comme le fautif ; devoir payer la prime de précarité.

1er risque pour l’employeur après un abandon de poste : la mauvaise gestion du temps

Le risque pour l’employeur de se précipiter

Dans certains cas, le départ de son poste ou l’absence non-immédiatement expliquée du salarié peut être justifié. C’est pourquoi, l’employeur ne doit pas se précipiter pour licencier le salarié. Et qu’il lui est fortement recommandé de suivre la procédure préalable suite à un abandon de poste. Voir La procédure suite à abandon de poste.

Le risque pour l’employeur de trop prendre son temps après un abandon de poste dans son personnel

Un employeur qui constate la faute d’un salarié doit engager la procédure de licenciement dans les 2 mois. Malgré le fait que la faute que constitue l’absence irrégulière se poursuit, il est préférable pour l’employeur de ne pas prendre le risque de voir le licenciement dit sans cause réelle et sérieuse, ou ne constituant pas une faute grave.

Pour retenir la faute grave, un employeur doit pouvoir prouver que l’abandon de poste désorganise fortement l’activité de l’entreprise. Or, s’il attend trop à partir du moment où les faits sont établis, avant de lancer la procédure de licenciement, cela décrédibilise la gravité de l’abandon de poste.

L’employeur doit même engager plus rapidement que dans les deux mois la procédure de licenciement, s’il veut éviter le risque juridique sur la qualification de faute grave.

Ainsi, la Cour de Cassation a-t-elle rappelé que « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis, la mise en œuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits fautifs allégués et dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ». Elle en a conclu que ne pouvait pas reposer sur une faute grave le licenciement d’un salarié qui avait « brutalement quitté son poste de travail […], à l’issue d’un entretien de mise au point sur son travail et sa productivité avec ses supérieurs, sans autorisation préalable. » *

* Cour de cassation, chambre sociale, 6 décembre 2000, N°: 98-43441.

2ème risque pour l’employeur après un abandon de poste : le retour du salarié pour reprendre son travail 

Le risque pour l’employeur du retour du salarié après mise en demeure

Le salarié peut reprendre son travail suite à la réception d’une lettre de mise en demeure de reprendre son travail envoyée par l’employeur. Dans cette hypothèse, l’employeur ne peut plus licencier le salarié pour faute grave au motif de l’abandon de poste. Puisque le salarié a accepté de reprendre son poste. Au mieux, l’employeur pourra alors licencier le salarié pour faute sérieuse au motif de l’absence, si celle-ci a été d’une durée suffisante. Et, dans ce cas, l’employeur devra donc payer l’indemnité de licenciement.

Selon la Cour de cassation, une absence injustifiée d’un salarié ne caractérise pas la faute grave lorsque le salarié a repris son poste au terme de son absence comme le lui avait demandé l’employeur, « ce dont il résultait que son comportement n’empêchait pas la poursuite de son contrat de travail » *.

* Cour de cassation, chambre sociale, 29 février 2012,  N° : 10-23183.

Le risque pour l’employeur du retour du salarié sans mise en demeure

Le salarié peut aussi revenir après réception d’une demande de justification, ou à n’importe quel moment de la procédure, tant qu’un licenciement n’a pas été prononcé. Sauf si une mise à pied conservatoire a pu être prononcée avant que le salarié puisse reprendre son travail, l’employeur ne pourra plus licencier le salarié pour faute grave pour abandon de poste. Puisqu’il l’aura laissé reprendre son travail.

Si l’employeur est resté passif à la suite de l’abandon de poste et que le temps a passé, la gravité de la faute du salarié en sera d’autant amoindri que l’employeur n’avait pas jugé utile d’engager une procédure.

3éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : croire à la démission du salarié

Le risque pour l’employeur de croire à une démission du salarié sous le coup de la colère

L’employeur ne doit pas céder à la tentation de prendre en compte une déclaration de démission du salarié sous le coup d’un mouvement d’humeur. D’une part, l’employeur devra pouvoir prouver la réalité de cette « démission verbale » du salarié. Et d’autre part, si tant est que son existence soit établie, la justice prud’homale pourrait admettre une rétractation du salarié ayant fait part de sa démission. Car la démission ne résulterait que d’un mouvement d’humeur, n’aurait existé que sous le coup de l’émotion ou de la colère. Ou parce que le salarié se trouvait dans un état psychologique anormal. Même en cas de situation équivoque, la justice prud’homale pourrait aussi requalifier la démission du salarié en prise d’acte de la rupture. L’employeur victime de l’abandon de poste sera ainsi condamné à des indemnités.

Le risque pour l’employeur de prendre l’abandon de poste pour une démission

L’employeur doit encore moins interpréter l’abandon de poste du salarié. Il ne doit pas considérer que le salarié exprime implicitement son intention de démissionner. En effet, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une démission doit être claire et non équivoque. Il est donc exclu de considérer l’abandon de poste, ou quelque absence prolongée comme une démission. La Cour de cassation a même jugé comme sans valeur les dispositions de certaines conventions collectives qui prévoient que l’absence d’un salarié pendant un certain temps est considérée comme une démission.

Selon la Cour de cassation, « l’employeur qui prend l’initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié doit mettre en œuvre la procédure de licenciement ; […] à défaut, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse » *.

* Cour de cassation, chambre sociale, mercredi 25 juin 2003, N°: 01-41150.

4éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : agir comme si la rupture du contrat de travail avait eu lieu

Parfois l’employeur fait le choix d’agir comme si la rupture du contrat de travail avait eu lieu. En pratique, il ne se manifeste pas auprès du salarié. Et il cesse de faire un bulletin de salaire au salarié. Enfin, l’employeur arrête la rémunération du salarié en lui versant son solde de tout compte. Ou au contraire, il ne lui verse même pas le salaire dû au titre de la période précédant l’abandon de poste.

L’employeur risque alors que le salarié ayant abandonné son poste,  prenne acte de la rupture en en faisant porter la faute sur l’employeur. La justice prud’homale, dans ce cas, va donner raison au salarié et va juger que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur victime de l’abandon de poste sera ainsi condamné à des indemnités prud’homales. Celles-ci s’ajouteront aux indemnités de licenciement et de préavis !

L’employeur doit donc appliquer la procédure recommandée suite à abandon de poste, puis la procédure légale de licenciement.  Jusqu’à ce que le licenciement pour abandon de poste soit prononcé, il convient d’éditer un bulletin de salaire mensuel au salarié. Et l’employeur y indiquera la retenue pour heures non travaillées, correspondant à l’absence injustifiée. Le salaire peut être « suspendu », mais non « arrêté ». Et bien sûr, les heures travaillées avant l’abandon de poste doivent être payées à la date habituelle de paie.

5éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : croire que celui-ci permet toujours le licenciement pour faute grave

L’abandon de poste autorise le plus souvent le licenciement pour faute grave. Encore faut-­il que le licenciement soit justifié et la faute grave caractérisée. Or, la justice prud’homale considère que n’est pas toujours le cas… Même l’ancienneté et le comportement du salarié avant l’abandon de poste doivent être pris en compte, selon la jurisprudence de la Cour de cassation *.

* Cour de cassation, chambre sociale, 7 mars 2006, N° 04-43782.

Pour une appréciation juridiquement correcte des faits, lire :

Abandon de poste et faute grave

Départ du poste et absences légitimes

Que peut faire le salarié après l’abandon de poste ?

6ème risque pour l’employeur après un abandon de poste : voir absoudre le salarié et être considéré comme le fautif

Le risque pour l’employeur en cas de modification unilatérale du contrat de travail

Selon la jurisprudence, le licenciement pour abandon de poste du salarié n’est pas justifié si celui-ci reproche, de manière justifiée, à l’employeur une modification unilatérale de son contrat de travail. Comme par exemple le passage d’horaires de jour à d’autres de nuit *.

* Cour de cassation, chambre sociale, 22 mai 2001, N° : 99-41146.

Le risque pour l’employeur s’il a commis une faute grave

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De même la justice prud’homale requalifiera généralement en licenciement sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour abandon de poste, ou la prise d’acte du salarié, dès lors que l’employeur avait précédemment commis une faute grave. Par exemple un non-paiement du salaire, un harcèlement, etc.

Le risque durable pour l’employeur en l’absence d’une visite de reprise obligatoire

Par ailleurs, si la visite de reprise après un arrêt de travail était requise et n’a pas eu lieu, le salarié qui ne reprend pas le travail à l’issue de son arrêt et ne justifie pas son absence ne peut pas être licencié pour abandon de poste. Car le contrat reste suspendu.

La Cour de cassation a ainsi dit non fondé le licenciement pour faute grave pour abandon de poste car, « en l’absence de visite de reprise ». Car la cour a considéré que «  le contrat de travail demeurait suspendu et le salarié n’était pas tenu de reprendre le travail » *. Bien plus sérieux encore, la cour de cassation a même approuvé une cour d’appel qui avait décidé que la faute grave n’était pas constituée et que le licenciement était nul. Il s’agissait du cas d’un salarié qui s’était absenté sans justification cinq mois après sa reprise du travail sans visite de reprise ** !

* chambre sociale, 22 juin 2011, N° : 10-13728.

** Cour de cassation, chambre sociale, 25 mars 2009, N° : 07-44408.

7éme risque pour l’employeur après un abandon de poste : devoir payer la prime de précarité au terme normal du CDD

Dans le cas du CDD, s’il n’y a pas eu rupture pour faute grave, l’indemnité de précarité ne sera pas perdue par le salarié pour la partie antérieure à l’abandon de poste. Alors qu’elle l’aurait été si l’employeur avait procédé à la rupture suite à l’abandon de poste. Voir Abandon de poste CDD et la Procédure de rupture pour abandon de poste.

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Ou  La procédure suite à abandon de poste

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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