Absence non justifiée et faute grave
Une absence non justifiée permet-elle un licenciement pour faute grave ? Dans cette affaire, la salariée n’avait pas repris son travail sans que son arrêt de travail pour maladie soit renouvelé. Et elle en informe son employeur par courrier presqu’un mois après. Après deux mises en demeure de justifier son absence ou de reprendre son travail, la salariée renouvelle son refus d’obtempérer et l’employeur procède alors à son licenciement pour faute grave. Jurisprudence de la cour de cassation.
Le contexte de l’absence injustifiée et du licenciement pour faute grave
Une secrétaire sténodactylographe salariée d’une SCP notariale depuis 33 ans, a été arrêtée par un psychiatre. Mais, à partir du 2 janvier 2009 ses arrêts de travail n’ont pas été prolongés. Or la salariée n’a pas repris son travail et le 29 elle a informé son employeur de sa situation irrégulière. Et elle n’indique pas quand elle serait disposée à se remettre au travail *. A la suite, l’employeur l’a avertie et mise en demeure deux fois, le 3 et le 24. Mais son absence est restée non justifiée. De plus, la salariée a alors réitéré son refus explicite de reprendre le travail par lettre du 27 février. L’employeur l’a ensuite convoquée à un entretien préalable, puis l’a licenciée pour faute grave le 16 mars 2009.
* Certains penseront qu’elle aurait du proposer une rupture conventionnelle. Mais ne l’a pas fait et de toute manière son employeur aurait pu la refuser.
Le contentieux prud’homal
Après son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud’hommes. Celui-ci a considéré que la motivation du licenciement était la désorganisation de l’entreprise engendrée par l’absence prolongée de la salariée…
L’arrêt de la cour d’appel
Appel ayant été fait contre le premier jugement, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a écarté l’interprétation donné à la motivation du licenciement par le conseil de prud’hommes, de même qu’une motivation économique ou d’inaptitude et a reconnu l’existence de la faute de la salariée. Cependant, la cour d’appel a dit que le licenciement de la salariée ne reposait pas sur une faute grave, mais sur une cause réelle et sérieuse. Et, par conséquent, la cour a condamné l’employeur à payer diverses indemnités.
Pour en arriver à cet arrêt, la cour d’appel a retenu :
- que l’employeur n’avait réagi qu’après le courrier de la salariée l’informant de son refus de reprendre le travail
- et qu’il avait attendu un mois à compter de la fin de son arrêt de travail avant de mettre la salariée en demeure.
(Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 juillet 2013)
Le pourvoi en cassation de l’employeur
La société civile employeur a alors formé un pourvoi en cassation basé sur les arguments suivants :
- Un acte d’insubordination, qui traduit la volonté de faire échec au pouvoir de direction de l’employeur, caractérise une faute grave ; par conséquent, la cour d’appel ayant relevé les faits, mais n’ayant pas retenu cette qualification, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.
- La lettre de licenciement fixant les termes du litige, les juges doivent examiner tous les griefs indiqués. Or, il était reproché à la salariée son absence illégitime. Mais aussi et surtout d’avoir explicitement refusé de déférer, malgré deux avertissements et mises en demeure (dont le dernier du 24 février 2009) de reprendre son travail et d’avoir répondu qu’elle ne le reprendrai qu’à la date qu’elle fixerait elle-même. Or, la cour d’appel n’a pas examiné si ce second grief ne caractérisait pas, à lui seul, une faute grave…
- Le délai d’un mois (appliqué eu égard à son ancienneté) pour la mise en demeure de la salariée de reprendre son poste ne privait pas l’employeur de la faculté de se prévaloir de la gravité de la faute commise par son attitude. Par ailleurs, le refus de la salariée avait été manifesté par une lettre du 27 février, suivie dès le début mars d’une convocation à un entretien préalable.
- Enfin, l’employeur a rappelé qu’il avait fait valoir dans ses conclusions d’appel : qu’il n’avait pas attendu un mois pour réagir à l’absence non justifiée par un arrêt médical de la salariée ; mais avait téléphoniquement contacté l’intéressée pour lui demander ses intentions. Or la cour d’appel qui a estimé que l’employeur n’avait réagi qu’un mois après, n’a pas répondu sur ce point.
L’arrêt de la cour de cassation sur la conséquence d’une absence non justifiée
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La Cour de cassation considérant que la cour d’appel, qui a écarté la faute grave, ayant « constaté que la salariée, qui se trouvait en absence non justifiée médicalement, avait fait l’objet de deux avertissements de son employeur, avec mise en demeure de justifier des motifs de son absence ou de reprendre son travail, […] n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ».
Par cette motivation, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’elle n’avait pas reconnu la faute grave et avait de ce fait condamné l’employeur aux diverses indemnités accompagnant un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
(Cour de cassation, chambre sociale, 3 décembre 2014, N°: 13-24704)
Conclusion : La Cour de Cassation rappelle qu’un salarié doit justifier de ses absences et que sans réponse de sa part et après l’avoir mis en demeure de justifier de son absence ou de reprendre son travail, son employeur peut le licencier pour faute grave.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Source : Jurisprudence de la Cour de cassation – Légifrance.gouv.fr.
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