Abandon de poste et radiation des cadres
Abandon de poste et radiation des cadres dans la fonction publique. Cette jurisprudence du Conseil d’Etat rappelle les règles de mise en demeure applicables en cas d’abandon de poste par un agent public et de la radiation des cadres. L’action de l’administration peut être rapide. Une information confuse donnée par l’administration, ou le décès du conjoint de l’agent doivent cependant être pris en compte. Usant de son pouvoir, dans cette affaire le Conseil d’Etat a jugé sur le fond.
Le contexte de l’abandon de poste et la radiation des cadres
Un agent de droit public, exerçant des fonctions d’ouvrier professionnel dans un centre hospitalier, a été en congé maladie jusqu’au 1er juin 1997. Le 2 juin 1997, l’agent public n’a pas réintégré son service. Deux jours plus tard seulement, le 4 juin, par lettre, l’administration le mettait en demeure de reprendre ses fonctions avant le 9 juin. Et, elle lui indiquait qu’à défaut, il serait en situation d’abandon de poste. Le lendemain, le 5 juin, le centre hospitalier lui envoyait une autre lettre :
- Lui indiquant que toute absence injustifiée pouvait entraîner la suspension immédiate de son traitement.
- Et l’invitant « afin d’éviter l’application de ces mesures (…) à bien vouloir lui fournir la justification de [son] absence ».
L’agent concerné ne s’est pas présenté à son poste. Mais il a adressé le 11 juin deux arrêts médicaux de travail. Ceux-ci sont parvenus au centre hospitalier le 13 juin suivant. Le premier de ces documents daté du 2 juin lui prescrivait un arrêt de travail du 2 au 8 juin 1997. Et le second daté du 9 juin lui prescrivait un arrêt du 9 au 18 juin 1997.
Dès le 11 juin 1997, avant la réception des arrêts de travail, la direction du centre hospitalier a notifié à l’intéressé sa radiation des cadres.
Le contentieux administratif suite à la radiation des cadres
A la suite, l’agent hospitalier a saisi le Tribunal administratif de Paris. Celui-ci a annulé sa radiation des cadres et ordonné sa réintégration (arrêt du 9 novembre 2000). Mais, le Centre Hospitalier ayant fait appel de ce jugement, la Cour administrative d’appel de Paris a rejeté les conclusions de l’établissement employeur. Et la juridiction a confirmé le refus de considérer qu’il y avait eu abandon de poste.
(Cour Administrative d’Appel de Paris, du 8 juin 2004).
De ce fait, le Centre Hospitalier a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour administrative d’appel, auprès du Conseil d’Etat.
Le Conseil d’Etat indique la règle et tranche le litige
Le Conseil d’Etat a rappelé la règle applicable en cas d’abandon de poste dans la fonction publique
Dans la fonction publique, il existe une règle impérative : La radiation des cadres pour abandon de poste n’intervient de manière régulière qu’à la condition que l’agent concerné ait été mis en demeure de rejoindre son poste dans un délai précisé par l’administration. Et cela avant la décision. Cette mise en demeure doit obligatoirement être faite par écrit. Et elle doit informer l’intéressé du risque de radiation des cadres et de l’absence de procédure disciplinaire préalable à cette mesure.
Si l’agent ne se présente pas ou ne fait pas connaître ses intentions à l’administration avant l’expiration du délai fixé par la mise en demeure et en l’absence de tout justificatif d’ordre matériel ou médical expliquant le retard ou l’abstention, l’administration « est en droit d’estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé ».
La cassation par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat a considéré qu’il appartenait à l’agent concerné de « prendre toutes les dispositions utiles afin de faire connaître à son administration avant la date limite fixée par la mise en demeure, les motifs qui le conduisaient à ne pas pouvoir reprendre son poste à cette date ».
En outre, le Conseil d’Etat a considéré que la cour administrative d’appel « en jugeant que l’envoi des certificats médicaux le 11 juin 1997, manifestait l’intention de l’agent de ne pas rompre le lien existant entre lui et son administration alors qu’il n’a fait état d’aucune circonstance ayant fait obstacle à la communication dans le délai fixé des certificats médicaux procède d’une erreur de droit. »
En conséquence, le Conseil d’Etat a prononcé l’annulation de la décision de la cour administrative d’appel. Et il a décidé de régler l’affaire au fond. Comme le code de justice administrative le lui permet, si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie.
Le jugement sur le fond par le Conseil d’Etat
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Cependant, le Conseil d’Etat a d’abord observé qu’il ressortait du dossier :
-
- que le Centre Hospitalier avait adressé le 4 juin 1997 à l’agent concerné une lettre de mise en demeure de rejoindre son poste avant le 9 juin
- et lui avait adressé le lendemain un autre courrier lui indiquant qu’une absence injustifiée pourrait entraîner la suspension immédiate de son traitement et l’invitant « afin d’éviter l’application des faits et mesures (…) a bien vouloir lui fournir la justification de {son} absence » ;
Le Conseil d’Etat en a déduit « Que la quasi concomitance de ces courriers a pu mettre [l’agent concerné] dans l’incertitude quant aux intentions réelles de l’administration à son égard et, par suite, quant aux démarches qu’il avait à suivre, qu’il suit de la que, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu de la situation personnelle de [l’agent concerné], affecté par le décès de son épouse, l’abandon n’était pas caractérisé ».
Par suite, le Conseil d’Etat a jugé que le Centre Hospitalier n’avait pas à se plaindre du jugement du Tribunal Administratif de Paris. Ainsi, le Conseil d’Etat a approuvé l’annulation de la radiation des cadres de l’agent concerné, pour abandon de poste.
(Conseil d’État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 10 octobre 2007, N° : 271020)
Conclusion :
Ainsi, il résulte de cette jurisprudence que le Conseil d’Etat considère :
- Que sauf cas particulier l’abandon de poste peut justifier une radiation des cadres très rapide, à la condition que l’administration ait respecté les règles de mise en demeure.
- Mais, que dans cette affaire le cas était particulier et que l’abandon de poste n’était donc pas caractérisé. Car d’une part la quasi concomitance de deux courriers contradictoires avait pu mettre l’agent dans l’incertitude quant aux intentions de l’administration et sur ce qu’il devait faire. Et que d’autre part, le décès de son épouse l’avait perturbé.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : Jurisprudences du Conseil d’Etat – Légifrance.gouv.fr
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