L’abandon de poste = une démission

Mis à jour le 20 mars 2023.

L’abandon de poste sera présumé être une démission

Loi votée disant qu’un abandon de poste est présumé être une démission

La loi n° 2022-1598 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été publiée le 21 décembre 2022. Elle réforme à nouveau l’assurance chômage. Et, suite à un amendement parlementaire, le texte prévoit qu‘un abandon de poste sera présumé être une démission. De ce fait, le salarié en CDI ne devrait plus pouvoir recevoir les allocations de chômage après son licenciement. Mais cela n’est pas encore applicable et un décret apportant des précisions doit encore être publié. Il le sera probablement fin mars 2023.

Les CDD ne sont pas concernés

La mesure ne sera applicable que pour les salariés en CDI et  non pour ceux en CDD. Le contraire aurait été étonnant puisque la démission n’existe pas pour les CDD et est contraire à la notion de durée déterminée. Cela ressort du fait que l’article du code instaurant la présomption est inséré au sein du titre III (concernant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée) du livre II de la première partie du code du travail.

Le texte devrait être applicable à partir de fin mars 2023

Comme il est fréquent, des députés opposés à cette mesure ont formulé un recours devant le Conseil constitutionnel. Mais, le Conseil constitutionnel a rejeté ce recours, en déclarant les dispositions du texte législatif conforme à la constitution (Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022).

Pour que les nouvelles dispositions entrent en vigueur, il faut encore que le gouvernement prenne un décret en Conseil d’Etat. Celui-ci est actuellement soumis à la consultation des partenaires sociaux. Et il devrait être publié à la fin du mois de mars 2023.

Dans l’attente, le droit aux allocations de chômage et les risques pour le salarié en CDI sont inchangés.

Conséquence : le salarié pourra difficilement bénéficier des allocations de chômage

L’employeur n’aura plus intérêt à procéder au licenciement

Concernant l’abandon de poste, cela va remettre en question l’intérêt pour l’employeur de licencier le salarié. Actuellement, l’employeur y a intérêt : voir les risques pour l’employeur. Et de ce fait, le salarié ne pourra plus bénéficier immédiatement et automatiquement du chômage. Alors que c’est actuellement le cas, à partir du moment où l’employeur l’a licencié.

Les possibilités pour le salarié de bénéficier des allocations de chômage seront alors celles limitées des démissionnaires. En fait, différentes possibilités existent. Notamment, après un délai de 4 mois, si le salarié n’a pas retrouvé un emploi et s’il justifie de recherches d’emploi suffisantes, il pourra demander à bénéficier des allocations de chômage. Mais cela nécessitera une décision favorable, après examen du dossier, par la commission paritaire de Pôle Emploi.

L’employeur pourra-t-il, s’il le souhaite, procéder au licenciement ?

Il semble difficile de penser que l’employeur puisse licencier le salarié avec la même motivation que jusqu’à présent, même s’il le souhaite. Par contre, un licenciement sera toujours possible sur un autre motif : l’absence injustifiée, l’insubordination… Mais, l’employeur devra disposer d’un dossier très solide pour justifier le licenciement.

La procédure prévue par la nouvelle loi

Procédure à suivre par l’employeur

La procédure suite à un abandon de poste deviendra obligatoire pour qu’elle soit reconnue comme une démission. En effet, le texte indique que « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin […] est présumé démissionnaire ». Le cas échéant, le salarié pourra aussi naturellement justifier son absence, si celle-ci est légitime. Le projet de décret indique qu’un délai minimum de 15 jours devra être indiqué par l’employeur au salarié.

Recours possible du salarié devant les prud’hommes

La considération que l’abandon de poste est une démission ne sera toutefois qu’une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle pourrait être combattue ou réfutée par des preuves contraires.

Pour cela, le salarié pourrait saisir le conseil de prud’hommes… Le texte sur l’abandon de poste inséré dans la loi prévoit que : « L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. »

En fait, la question serait de savoir s’il s’agit bien d’un abandon de poste et non de l’exercice d’un droit par le salarié : droit de retrait, nécessité médicale ou de sécurité, absence involontaire pour force majeure…, Ou d’une faute grave de l’employeur justifiant une prise d’acte (voir ceci). En dehors de cela, malgré que législateur parle d’une simple présomption, ce serait donner aux juges la possibilité d’aller à l’encontre de la volonté du législateur.

Les salariés en abandon de poste seront-ils nombreux à saisir les prud’hommes ? Dans ce cas, les risques seraient accrus pour les employeurs. Ou, à l’inverse, les salariés seront-ils au contraire dissuadés de saisir la juridiction du fait des délais réels pour obtenir un jugement définitif ? L’employeur (ou son avocat) devrait, en effet, pouvoir obtenir un délai pour mettre en état son dossier… et un appel restera possible.

Des questions restent en suspens

Un licenciement pour abandon de poste sera-t-il encore possible ?

Comme je l’ai indiqué plus haut, les avis sont partagés.

Si l’abandon de poste devient une démission, le salarié devra-t-il une indemnité pour préavis non-effectué ?

Sauf précision contraire par un texte légal, logiquement le salarié ayant abandonné son poste devrait un préavis à son employeur. Et ce dernier pourrait réclamer au salarié une indemnité à titre de préavis non effectué.

Quand et comment sera constatée la rupture du contrat de travail ?

Le salarié aura droit à son solde de tout compte et aux documents de fin de contrat. Mais, il faudra avant que soit constatée la rupture du contrat de travail. La question est de savoir : Quand et comment ?

Le décret d’application devrait apporter des précisions, avant l’entrée en vigueur de la mesure. Et à défaut de précisions suffisantes, ce sera la jurisprudence de la Cour de cassation qui les apportera… dans un certain nombre d’années.

Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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