L’abandon de poste = une démission

Mis à jour le 20 avril 2023.

L’abandon de poste sera présumé être une démission

Loi dit désormais qu’un abandon de poste est présumé être une démission

La loi n° 2022-1598 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi a été publiée le 21 décembre 2022. Elle a, à nouveau, réformé l’assurance chômage. Et, suite à un amendement parlementaire, le texte a prévu qu‘un abandon de poste sera présumé être une démission. Un décret a rendu la mesure applicable à partir du 19 avril 2023. De ce fait, le salarié en CDI ne pourra plus pouvoir recevoir les allocations de chômage, comme c’était le cas après un licenciement, jusqu’au 18 avril 2023.

Les CDD ne sont pas concernés

La mesure n’est applicable que pour les salariés en CDI et  non pour ceux en CDD. En effet, la démission n’existe pas pour les CDD et est contraire à la notion de durée déterminée. Cela ressort du fait que l’article du code instaurant la présomption est inséré au sein du titre III (concernant la rupture du contrat de travail à durée indéterminée) du livre II de la première partie du code du travail.

Le texte est applicable depuis le 19 avril 2023

Comme il est fréquent, des députés opposés à cette mesure ont formulé un recours devant le Conseil constitutionnel. Mais, le Conseil constitutionnel a rejeté ce recours, en déclarant les dispositions du texte législatif conforme à la constitution (Décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022).

Pour que les nouvelles dispositions entrent en vigueur, le gouvernement devait prendre un décret en Conseil d’Etat. Ce décret n° 2023-275 a été signé le 17 Avril 2023 et publié le 18 au journal officiel, la nouvelle législation s’applique donc à partir du 19 avril. C’est à dire le lendemain de la parution au J.O..

Pour les salariés licenciés pour abandon de poste avant le 19 avril 2023, le droit aux allocations de chômage et les risques pour le salarié en CDI sont inchangés.

Conséquence : le salarié ne pourra plus bénéficier des allocations de chômage

L’employeur ne licenciera pas le salarié

Suite à un abandon de poste, l’employeur ne licenciera plus le salarié, mais constatera après mise en demeure du salarié, sa démission. Et de ce fait, le salarié ne pourra plus bénéficier immédiatement et automatiquement du chômage. Alors que c’était auparavant le cas, à partir du moment où l’employeur l’avait licencié.

Les possibilités pour le salarié de bénéficier des allocations de chômage sont désormais limitées à celles des démissionnaires. En fait, différentes possibilités existent. C’est le cas en cas de démission légitime. Ou, après un délai de 4 mois, si le salarié n’a pas retrouvé un emploi et s’il justifie de recherches d’emploi suffisantes. Mais cela nécessitera une décision favorable, après examen du dossier, par la commission paritaire de Pôle Emploi.

L’employeur peut-il encore, s’il le souhaite, procéder au licenciement ?

L’employeur ne pourra plus licencier le salarié avec la même motivation que jusqu’à présent, même s’il le souhaite. Dans le cas contraire le salarié pourrait contester le licenciement en arguant de la présomption de démission… Ce serait particulièrement le cas si l’employeur a procédé à un licenciement pour faute grave, car le salarié serait lésé du préavis.

Par contre, un licenciement reste envisageable sur un autre motif : l’absence injustifiée, l’insubordination… Mais, l’employeur devra disposer d’un dossier extrêmement solide pour justifier le licenciement sur ces motifs après un abandon de poste.

La procédure prévue par la nouvelle loi

Procédure à suivre par l’employeur

La procédure suite à un abandon de poste est obligatoire pour qu’elle soit reconnue comme une démission. En effet, le texte de la loi indique que « Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin […] est présumé démissionnaire ». Le cas échéant, le salarié pourra aussi naturellement justifier son absence, si celle-ci est légitime. Le décret précise qu’un délai minimum de 15 jours devra être indiqué par l’employeur au salarié.

Recours possible du salarié devant les prud’hommes

La considération que l’abandon de poste est une démission ne sera toutefois qu’une présomption simple, c’est-à-dire qu’elle pourrait être combattue ou réfutée par des preuves contraires.

Pour cela, le salarié pourrait saisir le conseil de prud’hommes… Le texte sur l’abandon de poste inséré dans la loi prévoit que : « L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine. »

En fait, la question serait de savoir s’il s’agit bien d’un abandon de poste et non de l’exercice d’un droit par le salarié : droit de retrait, nécessité médicale ou de sécurité, absence involontaire pour force majeure…, Ou d’une faute grave de l’employeur justifiant une prise d’acte (voir ceci). En dehors de cela, malgré que législateur parle d’une simple présomption, ce serait donner aux juges la possibilité d’aller à l’encontre de la volonté du législateur.

Les salariés en abandon de poste seront-ils nombreux à saisir les prud’hommes ? Dans ce cas, les risques seraient accrus pour les employeurs. Ou, à l’inverse, les salariés seront-ils au contraire dissuadés de saisir la juridiction du fait des délais réels pour obtenir un jugement définitif ? L’employeur (ou son avocat) devrait, en effet, pouvoir obtenir un délai pour mettre en état son dossier… et un appel restera possible.

Des questions restent en suspens

Un licenciement pour abandon de poste est-il encore possible ?

Comme je l’ai indiqué plus haut, les avis sont partagés. Pour ma part, contrairement à des avocats, je ne le crois pas, comme je l’ai déjà indiqué. Le ministère exclut aussi cette possibilité. La jurisprudence tranchera plus définitivement dans quelques années.

Si l’abandon de poste devient une démission, le salarié devra normalement une indemnité pour préavis non-effectué ?

Sauf texte ou usage l’excuant, et sauf dispense par l’employeur, le salarié ayant abandonné son poste devra un préavis à son employeur. Et ce dernier pourra réclamer au salarié une indemnité à titre de préavis non effectué.

Quand et comment sera constatée la rupture du contrat de travail ?

Le salarié aura droit à son solde de tout compte et aux documents de fin de contrat. Mais, il faudra avant que soit constatée la rupture du contrat de travail. Logiquement à l’issue du délai de préavis.

Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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