Abandon de poste dans la fonction publique

L’abandon de poste dans la fonction publique présente une grande spécificité : simplement évoquée par la loi elle est surtout précisée par la jurisprudence du Conseil d’Etat. Quand l’abandon de poste d’un agent public est-il caractérisé ? La justice administrative est sévère, cependant l’abandon de poste n’est pas reconnu dans certains cas. Quelles conséquences de l’abandon de poste par un agent public en termes de sanctions ? Quelles conséquences au niveau indemnités et chômage ? Mise à jour le 15 mars 2021.

La spécificité de l’abandon de poste dans la fonction publique

L’abandon de poste a été cité par la loi du 11 janvier 1984 portant statut des fonctionnaires d’État (article 69). Puis, par celle du 9 janvier 1986 portant statut des fonctionnaires hospitaliers (article 88). Mais ces textes ne donnent pas de définition de l’abandon de poste dans la fonction publique. Par contre, la jurisprudence du Conseil d’Etat précise ce qui est reconnu comme abandon de poste dans la fonction publique. De même, elle indique ce qui n’est pas considéré comme un abandon de poste dans la fonction publique.

En premier lieu, l’abandon de poste d’un agent public ne peut être reconnu, que lorsqu’une absence irrégulière est prolongée. Ainsi, un simple retard, ou une absence limitée à une journée ne peuvent être qualifiés d’abandon de poste. Cependant, ils peuvent naturellement motiver une sanction  disciplinaire. En fait, le fonctionnaire doit, manifestement, vouloir la rupture de ses liens avec le service.

Quand l’abandon de poste d’un agent de la fonction publique est-il caractérisé ?

Pour que l’abandon de poste soit considéré comme caractérisé, il faut que deux conditions soient remplies :

  • Qu’il y ait absence irrégulière de l’agent, c’est-à-dire une absence non autorisée et sans motif valable, y compris le cas où l’agent n’a  pas rejoint son service, après une nouvelle affectation, après un congé, ou une décision judiciaire de réintégration,

et

  • Qu’après avoir reçu une mise en demeure, l’agent public n’ait pas repris son poste à la date impartie.

La mise en demeure est donc obligatoire dans la fonction publique.

Lorsque les deux conditions sont réunies, le comportement de l’agent est considéré comme constituant un manquement à l’obligation de service. Or celle-ci résulte de l’article 28 de la loi 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. De ce fait, il est considéré que l’agent qui abandonne son poste rompt le lien qui l’unissait au service, de sa propre initiative. Ceci résulte de plusieurs arrêts du Conseil d’Etat.

Ce dernier a même estimé qu’en abandonnant son poste un fonctionnaire se place « en dehors du champ d’application des lois et règlements édictés en vue de garantir l’exercice des droits inhérents à son emploi ».

(Conseil d’Etat, 21 avril 1950 Gicquel, 16 février 1951 Barbe, 16 février 1951 Molina et Rovira, 19 décembre 1952 Port, 26 février 1959 dame Maiza Khelidja).

Une justice administrative sévère en cas d’abandon de poste

La justice administrative est très sévère pour sanctionner un fonctionnaire qui abandonne son poste. Cependant, il existe depuis début 2020 une rupture conventionnelle dans la fonction publique. Celle-ci peut être une alternative intéressante à l’abandon de poste.

La justice administrative confirme la sanction de l’agent qui refuse de rejoindre son poste ou de reprendre son service sans raison valable et en dépit d’une mise en demeure lui laissant un délai approprié pour le faire. Ainsi, le Conseil d’Etat considère que le fonctionnaire « rompt [ce faisant] le lien qui l’unit au service et peut dès lors être radié des cadres pour abandon de poste ». De plus, le Conseil d’Etat a même jugé que : « les moyens tirés de ce que l’arrêté d’affectation […] n’avait pas été régulièrement notifié à l’intéressé, de ce qu’il aurait dû être reclassé et intégré dans le corps des professeurs certifiés en documentation et de ce qu’aucun poste de documentaliste n’était vacant dans ce collège étaient inopérants ».

(Conseil d’État, 11 février 2015, N° 369378).

L’agent public, dont la démission a été refusée, qui ne se conforme pas à la décision de refus de l’autorité hiérarchique, peut être considéré comme abandonnant son poste. Dans ce cas, l’administration doit mettre l’agent en demeure, dans les mêmes conditions que pour les autres abandons de poste.

Ces règles concernent tous les agents de la fonction publique

Tout agent public est concerné par les règles relatives à l’abandon de poste dans la fonction publique. Peu importe qu’il appartienne à la fonction publique d’Etat, à la fonction publique territoriale, ou à la fonction publique hospitalière. Ou qu’il soit : fonctionnaire titulaire, stagiaire, ou agent non-titulaire de droit public, à temps plein ou à temps partiel.

L’abandon de poste dans la fonction publique n’est toutefois pas reconnu dans certains cas

La jurisprudence du Conseil d’Etat précise les cas pour lesquels l’abandon de poste ne sera pas reconnu :

N’est pas considéré en abandon de poste l’agent public qui a cessé d’assurer son service tout en se présentant cependant chaque jour à son poste pour y passer un certain temps (Conseil d’Etat, 27 février 1981, N° : 14959).

Un agent public qui a informé son service qu’il était dans l’incapacité d’obtenir un certificat médical attestant qu’il n’était pas en état de reprendre son travail ne peut pas être considéré comme ayant rompu de sa propre initiative le lien qui l’unit à l’administration (Conseil d’Etat, 13 avril 1992, N° : 89941).

Il en est de même de l’agent public qui refuse d’accomplir des heures hebdomadaires de travail supplémentaire (Conseil d’Etat, 18 février 1994, N° : 132037).

L’agent public qui refuse d’occuper le nouveau poste auquel il est affecté au retour de son congé de maladie, mais qui se présente sur le lieu d’exercice de ses fonctions précédentes à l’issue de ses congés, n’est pas considéré en abandon de poste (Conseil d’Etat, 4 juillet 1997, N° : 176360).

Les circonstances peuvent aussi conduire à exclurent l’abandon de poste       

De même, un agent public atteint de graves troubles du comportement, qui ne peut apprécier la portée de la mise en demeure de rejoindre son poste, ne peut être considéré en abandon de poste. Dans ce cas particulier, l’autorité dont il dépend peut suspendre son traitement pour la période d’absence non justifiée par un certificat médical (Conseil d’Etat, 2 février 1998, N° : 98733).

Les circonstances de l’envoi successif d’une mise en demeure de reprendre son poste, puis le lendemain d’une demande de justification de l’absence pour éviter la suspension du traitement et de plus le décès de son épouse affectant le fonctionnaire, aboutissent à ne pas caractériser l’abandon de poste (Conseil d’État, 10 octobre 2007, N° : 271020).

Un agent public incarcéré reste en position d’activité. Par conséquent, il ne peut pas être considéré en abandon de poste. Mais son traitement est suspendu pour absence de service fait.

La situation d’un agent public, dont la démission a été acceptée et qui cesse d’accomplir ses fonctions avant la date prévue, ne peut pas être considérée comme un abandon de poste.

Conséquences de l’abandon de poste par un agent de la fonction publique

La radiation suite à l’abandon de poste

Par son absence irrégulière, ou son refus de rejoindre son poste à l’issue d’une période de congé, d’une mutation, ou d’une nomination, l’agent public manque à son obligation de servir et rompt de sa propre initiative le lien qui l’unit à l’administration. En clair son abandon de poste est assimilé à une démission. Ceci est fondamentalement différent du droit du travail s’appliquant en dehors de la fonction publique. En effet, en droit privé du travail l’abandon de poste ne peut absolument pas être considéré comme une démission. Les conséquences sont donc très différentes.

L’éviction de la fonction publique se traduit par l’absence de toutes garanties pour l’agent. Ainsi, il n’y a aucune obligation de communiquer le dossier à l’agent. Et il n’y a pas de saisie d’un comité comme une commission administrative paritaire, ou un conseil de discipline.

L’autorité, dont dépend l’agent public concerné, lui notifiera un arrêté de radiation des cadres par courrier recommandé. Et la radiation pour abandon de poste prendra effet à la notification de la décision de radiation.

L’absence d’indemnités suite à l’abandon de poste

Sur le plan indemnitaire, l’abandon de poste dans la fonction publique a pour conséquences :

  • l’absence de toute indemnité de licenciement ;
  • la perte des congés annuels dont auraient pu bénéficier l’agent s’il avait poursuivi son service ;
  • et quel que soit le statut de l’agent public, l’absence d’allocations de chômage après un abandon de poste.

La procédure à suivre par l’autorité dont dépend l’agent

Une mise en demeure de reprendre son poste doit impérativement être envoyée à l’agent publique qui apparaît être en situation d’absence irrégulière.