Abandon de poste ou licenciement verbal par l’employeur ?
Dans certains cas, le salarié licencié pour abandon de poste affirme qu’il n’a pas abandonné son poste. Et qu’en fait, c’est son employeur qui l’a licencié verbalement, ou l’a mis à pied à titre conservatoire. Cela peut être vrai, comme cela peut être faux. De son côté, un employeur peut prétendre que le salarié a abandonné son poste, alors qu’il l’a renvoyé chez lui. Comment savoir qui de l’employeur et du salarié dit la vérité ? La Cour de cassation a examiné une affaire de ce type. Recommandations au salarié et à l’employeur pour ne pas être piégé.
Rupture du contrat de travail : abandon de poste ou licenciement verbal
Un maçon salarié depuis mai 2010 a été licencié pour abandon de poste le 31 janvier 2011. Mais y avait-il eu abandon de poste ou licenciement verbal ?
Pour l’employeur, le salarié avait abandonné son poste. Par contre, selon le salarié, à la suite d’une altercation avec son employeur, celui-ci l’aurait congédié verbalement. Et ce serait pour cela qu’il ne se serait plus présenté à son travail.
Le contentieux prud’homal : abandon de poste ou licenciement verbal
Contestant le fondement de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale. Pour lui, il n’y avait pas eu abandon de poste mais un licenciement verbal.
Après un premier jugement, la cour d’appel a été amenée à se prononcer. Les juges ont considéré que le salarié n’apportait pas la preuve qu’il aurait tenté de reprendre son emploi. Ni qu’il était resté à la disposition de son employeur. Ni de l’existence d’un congédiement verbal. Par conséquent, la cour d’appel a jugé que l’abandon de poste par le salarié était caractérisé. Et que cela justifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
(Cour d’appel de Bastia, 19 décembre 2012).
Le pourvoi en cassation
Le salarié a présenté un pourvoi devant la Cour de cassation. Il estimait que la cour d’appel avait fait reposer la charge de la preuve des motifs du licenciement sur lui. Et surtout qu’elle ne l’avait pas fait profiter du bénéfice du doute,
Le principe est que la juridiction prud’homale forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et si nécessaire de toutes mesures d’instruction qu’elle a ordonnées. Enfin si un doute subsiste, il profite au salarié. La question soulevée devant la Cour de cassation était donc de savoir si ce principe avait été respecté par la cour d’appel.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié, au motif que « la cour d’appel, qui a, sans méconnaître les termes du litige et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, estimé que la preuve du licenciement verbal invoqué par le salarié n’était pas rapportée, et, écartant l’existence d’un doute, constaté que les griefs reprochés à ce dernier étaient établis, a décidé, dans l’exercice de ses pouvoirs […], que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ».
(Cour de cassation, chambre sociale, 11 février 2015, n° 14-10484).
Conclusion : lorsque l’employeur affirme qu’il s’agit d’un abandon de poste et que le salarié le conteste en affirmant que c’est l’employeur qui l’a congédié (ou mis à pied à titre conservatoire) par oral, ce sont les juges qui apprécieront les éléments de fait et de preuve et décideront de la qualification de la rupture.
Comment éviter qu’un abandon de poste soit pris pour un licenciement verbal, ou l’inverse ?
Recommandation au salarié pour que l’employeur ne l’accuse pas à tort d’abandon de poste
Si votre employeur ou son représentant vous dit de quitter immédiatement l’entreprise et de ne plus venir travailler (définitivement ou jusqu’à nouvel ordre), vous devez absolument prendre des précautions sans délai. Sauf, bien sûr, s’il s’agit d’un abandon de poste arrangé pour vous licencier avec votre accord.
Soit votre employeur vous notifie par écrit sa décision, par exemple une mise à pied conservatoire, soit vous devez vous manifester. Faites le par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, en rappelant les faits (à savoir que l’employeur vous a demandé de quitter l’entreprise et de ne plus venir travailler) et en lui indiquant que vous êtes à sa disposition pour reprendre le travail. Par ailleurs, tout autre élément de preuve complémentaire serait le bienvenu.
A défaut d’une preuve que votre départ et votre absence du travail ne sont que la conséquence d’une décision de l’employeur, vous pourriez être considéré en abandon de poste. Naturellement ce ne sera le cas que si votre employeur est de mauvaise foi, ou si les choses n’ont pas été vraiment claires. Mais cela arrive ! Et alors, les conséquences pourraient être graves pour vous.
Voir : Les risques de l’abandon de poste pour le salarié en CDI
ou Les risques de l’abandon de poste pour le salarié en CDD
Si après une semaine, vous n’avez pas de nouvelles de votre employeur, vous devez lui réécrire en lettre recommandée avec accusé de réception. Vous confirmerez alors que vous êtes à sa disposition pour reprendre le travail et que c’est seulement du fait de son instruction de quitter l’entreprise et ne plus venir travailler que vous n’êtes pas présent. Vous devrez aussi indiquer qu’il semble que son intention est de vous licencier et que dans ce cas il devrait appliquer la procédure de licenciement…. Passé un nouveau délai, vous devrez saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir le versement de votre salaire et/ou faire reconnaître la rupture de votre contrat de travail aux torts de l’employeur.
Recommandation à l’employeur pour que le salarié ne l’accuse pas à tort de licenciement verbal
Ce site gratuit est financé par la publicité, merci de nous soutenir.
Si le salarié a abandonné son poste, mais que les preuves ne sont pas réunies, l’employeur doit absolument appliquer la procédure suite à abandon de poste. Sans quoi, il court le risque que le salarié prétende plus ou moins rapidement que son absence de l’entreprise résulte d’un congédiement verbal. Celui-ci, à défaut de preuves contraires suffisantes et notamment de l’engagement d’une procédure, les juges pourraient reconnaître la rupture au tort de l’employeur. Et cela en ferait un licenciement abusif. Le salarié pourrait également réclamer et obtenir, par décision de justice, le paiement de ses salaires.
Voir : La procédure suite à abandon de poste
et Les risques de l’abandon de poste pour l’employeur
Paar ailleurs, si le salarié est mis à pied à titre conservatoire, l’employeur doit le lui confirmer par écrit. Ainsi il en constituera la preuve (même si ce n’est pas obligatoire). De plus, il doit engager en même temps la procédure de licenciement. Le licenciement peut, en effet, être rendu impossible si simultanément, ou juste après avoir mis à pied le salarié, l’employeur n’engage pas, par une convocation à entretien préalable la procédure de licenciement.
Pour en savoir plus, voir : La mise à pied conservatoire
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Rejoindre la première page du site Abandon de poste
Autre site recommandé : Rupture conventionnelle du CDI.
© Abandon de poste – La marque et le contenu du site abandondeposte.fr sont soumis à la protection de la propriété intellectuelle. Le site Abandon de poste est le 1er site complet d’expertise et conseil autour de l’abandon de poste. Article : Abandon de poste ou licenciement verbal par l’employeur ? Les mots clés sont : abandon de poste par le salarié ; licenciement verbal par l’employeur ; congédiement verbal ; comment savoir qui dit la vérité ? arrêt de la Cour de cassation ; salarié ; employeur.