Refus de mobilité

Refus de mobilité - Jurisprudence de la Cour de cassationUne cour d’appel peut-elle considérer qu’il y a faute grave, lorsqu’elle constate : qu’un salarié ayant une clause de mobilité a refusé de rejoindre successivement deux nouvelles affectations, qu’il s’est absenté et qu’il n’a repris son travail qu’après avoir été convoqué à un entretien préalable au licenciement ? L’argument que le salarié avait finalement rejoint la seconde affectation, se pliant selon lui à l’ordre de l’employeur de reprendre son travail, ôte-t-il sa légitimité au licenciement ? Ou au moins à la faute grave ? Jurisprudence de la Cour de cassation.

Le contexte des refus de mobilité au licenciement

Un agent de sécurité, engagé en avril 2002 par une société de sécurité avait accepté en avril 2003 un avenant à son contrat de travail. Celui-ci prévoyait notamment : que « le salarié s’engage à travailler sur les différents sites actuels et futurs de l’établissement, situés dans le ressort territorial d’Ile de France au fur et à mesure des affectations qui lui seront données, la mutation ou l’affectation d’un site à un autre ne s’analysant pas en une modification de son contrat de travail ».

Alors qu’il travaillait depuis six ans sur le site de France Télévisions Publicité, son employeur lui a demandé de rejoindre un autre poste en Ile de France au 4 octobre 2010. Le salarié a refusé sa nouvelle affectation par lettre du 9 octobre 2010. Parce qu’il contestait : le changement de site, et le fait qu’il devait y effectuer des vacations de 7 heures en alternance matin et après-midi, alors qu’il effectuait jusqu’à présent des vacations de 12 heures. Le salarié a ensuite été en absence irrégulière du 18 octobre 2010 au 10 novembre 2010. De ce fait, l’employeur lui a adressé une première mise en demeure le 10 novembre.

Le refus de mobilité du salarié

Devant la difficulté de la première réaffectation, l’employeur a demandé au salarié de rejoindre un autre site, celui de « France 24 » à partir 18 novembre 2010 avec des vacations de 12 heures que le salarié souhait conserver. Par lettre du 25 novembre 2010, le salarié a refusé cette nouvelle affectation, qui modifiaient son lieu de travail, ses horaires de travail et la station assise dont il avait bénéficié dans le poste occupé durant six ans et s’est absenté à compter du 6 décembre 2010. Le 9 décembre 2010, l’employeur lui envoyait une seconde mise en demeure. Le salarié persistant dans son refus de mobilité, n’y a pas donné suite.

La réaction du salarié à sa convocation à entretien préalable

Par contre, dès la réception d’une lettre de convocation à un entretien préalable à un licenciement, le 24 décembre 2010, le salarié a rejoint son poste sur le site de « France 24 ». Après l’entretien préalable du 27 décembre 2010, l’employeur a notifié son licenciement pour faute grave au salarié le 21 janvier 2011. Le motif du licenciement : ses absences injustifiées procédant de son refus d’accepter ses nouvelles affectations.

Le contentieux prud’homal sur le licenciement pour refus de mobilité et la faute grave

Le salarié a saisi la justice prud’homale à la suite de son licenciement. Après un premier jugement du conseil de prud’hommes reconnaissant la faute grave du salarié, ce dernier a fait appel.

L’arrêt de la cour d’appel

La cour d’appel a, à son tour, débouté le salarié. Celui-ci demandait de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l’employeur à diverses indemnités.

Après avoir rappelé qu’ « il est constant que l’employeur peut prendre en considération des faits antérieurs à deux mois par rapport à la date d’engagement des poursuites lorsque le comportement reproché s’est poursuivi et a persisté », la cour d’appel a, en effet, considéré que « la circonstance que par ailleurs, le salarié ait fini par obtempérer à l’ordre qui lui a été imparti par l’employeur n’est nullement de nature à ôter à un abandon de poste ou à un acte d’indiscipline son caractère fautif mais seulement, le cas échéant, à modifier l’appréciation qu’il convient d’en avoir ».

La cour d’appel a aussi relevé qu’il n’y avait pas modification du contrat de travail du salarié.

Relevant que le salarié avait persisté dans son attitude, sans rejoindre son poste malgré l’avis du médecin du travail ayant constaté son aptitude et malgré plusieurs lettres de mise en demeure, la Cour d’appel a jugé que « c’est tout à fait à juste titre que le conseil de prud’hommes a estimé que non seulement le licenciement était motivé par une cause réelle et sérieuse mais qu’également, la poursuite du contrat de travail n’était pas possible, même pendant la durée du préavis, nonobstant la circonstance que le salarié ait fini par rejoindre son poste ». (Cour d’appel de Paris, du 4 décembre 2013).

Le pourvoi du salarié

Débouté par la cour d’appel, le salarié a formé un pourvoi en cassation.

Le salarié a relevé que l’employeur n’avait pas maintenu la première affectation en tenant compte de son souhait de continuer à travailler par vacation de 12 h. Il en a déduit que son premier refus de mobilité ne pouvait justifier le licenciement et encore moins la faute grave.

Le salarié a, par ailleurs, mis en avant le fait qu’il avait [finalement] rejoint la seconde affectation. Donc qu’il s’était plié à l’ordre de l’employeur de reprendre son travail. Selon lui, cela  ôtait toute légitimité au licenciement fondé sur la mise en demeure par l’employeur de reprendre le travail. Ou au moins à la faute grave. Par ailleurs, le fait que l’employeur n’ait procédé au licenciement que presque un mois après son retour renforçait son argumentation. Il n’y aurait donc pas eu de manquement rendant immédiatement impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Or c’est cette impossibilité qui caractérise la faute grave.

De plus, selon le salarié, la clause de mobilité n’aurait pas été appliquée de bonne foi. En fait, il y aurait eu une sanction déguisée en raison de son arrêt pour maladie. Et la cour d’appel n’aurait pas vérifié si le poste pour lequel le médecin de travail avait recherché l’aptitude était bien celui d’agent de sûreté et non celui d’agent de sécurité incendie précédemment occupé.

L’arrêt de la Cour de cassation sur le refus de mobilité et la faute grave

La Cour de cassation relevant que la cour d’appel « ayant constaté que le salarié avait depuis le 4 octobre 2010, en violation de la clause de mobilité prévue à son contrat et malgré plusieurs lettres de mise en demeure, refusé de rejoindre successivement deux nouvelles affectations et n’avait repris son travail que le 24 décembre 2010 après avoir été convoqué à l’entretien préalable au licenciement, la cour d’appel […] a pu décider qu’un tel refus, sans aucune justification légitime, caractérisait une faute grave rendant impossible la poursuite du contrat de travail ».  La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi du salarié.

(Cour de cassation, chambre sociale, 12 janvier 2016, N° : 14-23290).

Ce site gratuit est financé par la publicité, merci de nous soutenir.

Résumé : Selon la Cour de cassation, une cour d’appel ayant constaté qu’un salarié avait, malgré la clause de mobilité prévue à son contrat et deux lettres de mise en demeure, refusé de rejoindre l’une après l’autre deux nouvelles affectations et n’avait repris son travail qu’après avoir été convoqué à un entretien préalable au licenciement, a pu décider qu’un tel refus, sans aucune justification légitime, caractérisait une faute grave rendant impossible la poursuite de son contrat de travail.

Dans cette affaire d’abandon de poste, la Cour de cassation a reconnu la faute grave, alors que le salarié avait finalement rejoint son affectation, ce qui est rare, mais s’explique par le contexte et le fait qu’il ait attendu d’être convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

Jurisprudence en sens contraire : Reprise de son poste par le salarié

Ceci devrait aussi vous intéresser :

Abandon de poste et faute grave

Procédure suite à abandon de poste

Rejoindre les autres jurisprudences sur l’abandon de poste

ou découvrez tout sur la rupture conventionnelle.

 

Source : Jurisprudence de la Cour de cassation – Légifrance.gouv.fr.

© Abandon de poste – La marque et le contenu du site abandondeposte.fr sont soumis à la protection de la propriété intellectuelle. Le site Abandon de poste est le 1er site complet d’expertise autour de l’abandon de poste. Article : Refus de mobilité.  Les mots clés sont : refus de mobilité par le salarié ;  caractériser la faute grave ; absence injustifiée ; clause de mobilité ; licenciement pour faute grave ; mise en demeure ; mutation en application d’une clause de mobilité ; jurisprudence de la Cour de cassation ;  jurisprudence ; Cour de cassation ; abandon de poste.