Abandon de poste ou licenciement verbal par l’employeur ?
Dans certains cas, l’employeur considère que le salarié a abandonné son poste… Alors que celui-ci affirme que non et qu’en fait, c’est son employeur qui l’a licencié verbalement, ou l’a mis à pied à titre conservatoire. Mais lequel dit vrai ? Alors, comment savoir qui de l’employeur et du salarié dit la vérité ? La Cour de cassation a examiné une affaire de ce type. Recommandations au salarié et à l’employeur pour ne pas être piégé. Mis à jour le 22 juin 2023.
NB : Cette jurisprudence reste valable aujourd’hui, après la présomption de démission consécutive à un abandon de poste en CDI. Puisqu’elle porte sur la question de la réalité ou non d’un abandon de poste.
Rupture du contrat de travail : abandon de poste ou licenciement verbal
Le contrat d’un maçon, salarié depuis mai 2010, a été rompu pour abandon de poste le 31 janvier 2011. A l’époque le salarié avait été licencié, aujourd’hui il aurait été considéré démissionnaire. Mais cela ne change pas l’intérêt de cette jurisprudence.
Y avait-il eu abandon de poste ou licenciement verbal ?
Pour l’employeur, le salarié avait abandonné son poste. Par contre, selon le salarié, à la suite d’une altercation avec son employeur, celui-ci l’aurait congédié verbalement. Et ce serait pour cela qu’il ne se serait plus présenté à son travail.
Le contentieux prud’homal : abandon de poste ou licenciement verbal
Contestant le fondement de la rupture de son contrat de travail, le salarié a saisi la juridiction prud’homale. Pour lui, il n’y avait pas eu abandon de poste, mais un licenciement verbal.
Après un premier jugement, la cour d’appel a été amenée à se prononcer. Les juges ont considéré que le salarié n’apportait pas la preuve qu’il aurait tenté de reprendre son emploi. Ni qu’il était resté à la disposition de son employeur. Ni de l’existence d’un congédiement verbal. Par conséquent, la cour d’appel a jugé que l’abandon de poste par le salarié était caractérisé.
(Cour d’appel de Bastia, 19 décembre 2012).
Le pourvoi en cassation
Le salarié a présenté un pourvoi devant la Cour de cassation. Il estimait que la cour d’appel avait fait reposer la charge de la preuve des motifs de la rupture sur lui. Et surtout qu’elle ne l’avait pas fait profiter du bénéfice du doute,
Le principe est que la juridiction prud’homale forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et si nécessaire de toutes mesures d’instruction qu’elle a ordonnées. Enfin si un doute subsiste, il profite au salarié. La question soulevée devant la Cour de cassation était donc de savoir si ce principe avait été respecté par la cour d’appel.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié, au motif que « la cour d’appel, qui a, sans méconnaître les termes du litige et appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, estimé que la preuve du licenciement verbal invoqué par le salarié n’était pas rapportée ».
(Cour de cassation, chambre sociale, 11 février 2015, n° 14-10484).
Conclusion : lorsque l’employeur affirme qu’il s’agit d’un abandon de poste et que le salarié le conteste en affirmant que c’est l’employeur qui l’a congédié (ou mis à pied à titre conservatoire) par oral, ce sont les juges qui apprécieront les éléments de fait et de preuve et décideront de la qualification de la rupture.
A l’appui de sa contestation, le salarié doit apporter des éléments suffisamment probants.
Comment éviter qu’un abandon de poste soit pris pour un licenciement verbal, ou l’inverse ?
Recommandation au salarié pour que l’employeur ne prétende pas à tort qu’il s’agit d’un abandon de poste
Si votre employeur ou son représentant vous dit de quitter immédiatement l’entreprise et de ne plus venir travailler (définitivement ou jusqu’à nouvel ordre), vous devez absolument prendre des précautions sans délai.
Soit votre employeur vous notifie par écrit sa décision, par exemple une mise à pied conservatoire, soit vous devez vous manifester. Faites-le par l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception, en rappelant les faits (à savoir que l’employeur vous a demandé de quitter l’entreprise et de ne plus venir travailler) et en lui indiquant que vous êtes à sa disposition pour reprendre le travail. Par ailleurs, tout autre élément de preuve complémentaire serait le bienvenu.
A défaut d’une preuve que votre départ et votre absence du travail ne sont que la conséquence d’une décision de l’employeur, vous pourriez être considéré en abandon de poste. Naturellement ce ne sera le cas que si votre employeur est de mauvaise foi. Mais cela arrive ! Et alors, les conséquences pourraient être graves pour vous.
Voir : Les risques de l’abandon de poste pour le salarié en CDI
ou Les risques de l’abandon de poste pour le salarié en CDD
Si après une semaine, vous n’avez pas de nouvelles de votre employeur, vous devez lui réécrire en lettre recommandée avec accusé de réception. Vous confirmerez alors que vous êtes à sa disposition pour reprendre le travail et que c’est seulement du fait de son instruction de quitter l’entreprise et ne plus venir travailler que vous n’êtes pas présent. Vous devrez aussi indiquer qu’il semble que son intention est de vous licencier et que dans ce cas il devrait appliquer la procédure de licenciement…. Passé un nouveau délai, vous devrez saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir le versement de votre salaire et/ou faire reconnaître la rupture de votre contrat de travail aux torts de l’employeur.
Recommandation à l’employeur pour que le salarié ne l’accuse pas à tort de licenciement verbal
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Si le salarié a abandonné son poste, vous devez absolument appliquer la procédure suite à abandon de poste. A défaut, vous courez le risque que le salarié prétende, tôt ou tard, que son absence de l’entreprise résulte d’un congédiement verbal. Et que les juges reconnaissent la rupture à votre tort, en en faisant un licenciement abusif. Le salarié obtiendrait alors le paiement de ses salaires (préavis compris), une indemnité de licenciement et une indemnité prud’homale.
Par ailleurs, s’il y a mise à pied à titre conservatoire du salarié, vous devez le lui confirmer par écrit. Même si ce n’est pas légalement obligatoire. Car cela constituera la preuve du caractère conservatoire. De plus, vous devez engager en même temps une procédure de licenciement pour un autre motif que l’abandon de poste. Car, à défaut, le licenciement pourrait, être rendu impossible… De plus, cela évitera que le salarié prétende à un licenciement verbal irrégulier.
Voir : Les risques de l’abandon de poste pour l’employeur
Pour en savoir plus, voir : La mise à pied conservatoire
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et dernièrement Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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