Abandon de poste pendant un congé maladie ?
Un agent public en congé de maladie peut-il commettre un abandon de poste ? Normalement non. Mais, s’il refuse de se soumettre à une contre-visite médicale, qu’en sera-t-il ? Une mise en demeure sera-t-elle alors possible et la radiation des cadres de l’agent décidée par l’autorité compétente s’il ne reprend pas son poste, n’apporte pas de justification valable ? En l’absence de circonstances particulières tenant notamment à la maladie, le conseil d’Etat apporte la réponse. Jurisprudence de 2015.
Le contexte du refus de contre-visites pendant un congé maladie à la radiation des cadres pour abandon de poste
Un adjoint technique employé par la commune de Breteuil-sur-Iton (département de l’Eure, en Normandie), a été victime d’un accident de service en septembre 2009. A la suite, il a été en congé de maladie du 13 septembre au 25 novembre 2009.
La commune a convoqué par lettres l’adjoint technique à des contre-visites médicales les 6 octobre et 3 novembre 2009. L’agent s’y étant soustrait, le maire de la commune lui a indiqué le 16 novembre 2009 que cette absence était irrégulière. Le maire a ensuite mis en demeure l’agent, par lettre recommandée du 19 novembre 2009, de reprendre ses fonctions le 24 novembre suivant. Et le maire a précisé qu’à défaut il serait en abandon de poste.
A la suite, l’autorité a notifié la radiation des cadres par lettre recommandée du 25 novembre 2009.
Le contentieux administratif sur la radiation des cadres pour abandon de poste pendant l’arrêt maladie
L’ex-agent public a saisi le tribunal administratif de Rouen pour obtenir l’annulation de sa radiation des cadres. Le tribunal administratif de Rouen a donné satisfaction à l’agent contre la commune (jugement du 20 novembre 2012).
De ce fait, la commune employeur ayant fait appel, un second jugement a eu lieu. Mais la cour administrative d’appel de Douai a confirmé le premier jugement en rejetant l’appel (arrêt du 10 décembre 2013).
Selon la cour administrative d’appel le fait que l’agent se soit soustrait à deux contre-visites demandées par la commune, et cela sans justification, ne permettait pas de considérer qu’il avait rompu tout lien avec le service. D’autre part, la cour administrative d’appel avait relevé que la mise en demeure de reprendre son service avait été envoyée alors qu’il était en position régulière de congé de maladie.
Par conséquent, selon la cour : l’agent étant en position de congé de maladie n’a pas cessé d’exercer ses fonctions.
La commune a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, pour demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel. Et elle aussi demandé que le Conseil d’Etat règle l’affaire au fond.
Considérations et décisions du Conseil d’Etat
La règle générale rappelée par le Conseil d’Etat
Une mise en demeure écrite à l’agent de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié, est une condition préalable à une radiation des cadres. La mise en demeure doit informer l’agent du risque de radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable.
En l’espèce, l’agent était en position de congé de maladie et n’a donc pas cessé d’exercer ses fonctions. Une lettre lui étant adressée dans une telle position ne saurait donc constituer une mise en demeure avant rupture pour abandon de poste, a rappelé le Conseil d’Etat…
Le Conseil d’Etat a considéré le refus de se soumettre à une contre-visite médicale
Toutefois, selon le Conseil d’Etat, si l’autorité compétente constate que cet agent s’est soustrait, sans justification, à une contre-visite demandée conformément à la réglementation, elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié, en précisant explicitement le risque d’une radiation sans procédure disciplinaire, malgré un congé de maladie en cours.
Le fait que l’agent n’ait pas justifié son absence aux contre-visites, n’ait informé l’administration d’aucune intention et ne se soit pas présenté, sans justifier par des raisons d’ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste, et d’autre part le fait qu’aucune circonstance particulière, liée notamment à la nature de sa maladie, ne peut expliquer son abstention, entraîne le droit pour l’autorité d’estimer que le lien avec le service a été rompu par l’agent.
Le Conseil d’Etat a considéré « qu’en ne recherchant pas si, compte tenu du refus non justifié de l’intéressé de se soumettre à des contre-visites, la commune avait pu, en respectant les exigences [requises], prendre la décision litigieuse, [la cour administrative d’appel] a commis une erreur de droit ». Et il en a conclu que la commune de Breteuil-sur-Iton était fondée à demander, pour ce motif, l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel.
Le Conseil d’Etat a donc décidé l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 10 décembre 2013 et a renvoyé l’affaire à la cour administrative d’appel de Douai pour un nouveau jugement.
(Conseil d’État, 11 décembre 2015, N° : 375736)
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Résumé :
Un agent en position de congé de maladie n’a pas cessé d’exercer ses fonctions. Par suite, comment une lettre adressée alors qu’il était dans une telle position peut-elle constituer une mise en demeure à la suite de laquelle l’autorité administrative serait susceptible de prononcer sa radiation des cadres pour abandon de poste ? Elle ne le peut [normalement] pas… Eh bien, le Conseil d’Etat considère que si l’autorité constate que l’agent en congé de maladie s’est soustrait, sans justification, à une contre-visite demandée conformément à la réglementation, elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure précisant que l’agent court le risque d’une radiation.
Si, dans le délai fixé, l’agent n’a pas justifié son absence à la contre-visite, n’a informé l’administration d’aucune intention et ne s’est pas présenté, sans justifier, par des raisons médicales ou matérielles, son refus de reprendre son poste, et si, aucune circonstance particulière (liée notamment à la nature de la maladie), ne peut l’expliquer, l’autorité compétente est en droit de dire que le lien avec le service a été rompu du fait de l’intéressé.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : Jurisprudences du Conseil d’Etat – Légifrance.gouv.fr et conseil-etat.fr/fr/arianeweb
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