Désertion et abandon de poste aux armées

Désertion et abandon de poste aux arméesL’abandon de poste fait partie du vocabulaire militaire. Le Code de justice militaire traite de l’abandon de poste, de la désertion et de l’insoumission. L’abandon de poste et la désertion dans les armées correspondent dans le contexte militaire à l’abandon de poste des salariés ou des agents publics. Dans les armées, les sanctions prévues se veulent exemplaires. Elles sont aggravées dans certaines circonstances : état de guerre, présence de l’ennemi, fonctions de chef poste, ou d’officier du coupable.

L’abandon de poste dans les armées

Contrairement au code du travail qui ne le fait pas, le code de justice militaire définit ce qu’il faut entendre par poste. Le poste est l’endroit où le militaire doit se trouver à un moment donné pour l’accomplissement de la mission reçue de ses chefs. Son abandon dans les armées est une faute punissable de prison.

L’abandon de poste par un militaire en temps de paix est punissable de six mois d’emprisonnement, en l’absence de circonstances aggravantes.

Gravité particulière en cas de guerre, état de siège, état d’urgence, ou présence de l’ennemi

Plusieurs types d’abandon de poste sont mis en exergue et accompagnés de sanctions plus fortes. C’est notamment le cas, de l’abandon de poste en temps de guerre ou sur un territoire en état de siège ou d’urgence ou lorsque la sécurité d’un établissement militaire, d’une formation militaire, d’un bâtiment de la marine ou d’un aéronef militaire est menacée. La peine est alors de cinq ans d’emprisonnement. Lorsque le militaire coupable est commandant d’une formation, ou d’un navire de la marine nationale, ou encore chef de bord d’un aéronef militaire, la sanction peut même être doublée.

Circonstance aggravante particulièrement forte, l’abandon de poste en présence de l’ennemi ou de bande armée est passible de la réclusion criminelle à perpétuité.

Autres facteurs aggravants à l’abandon de poste

Le commandant d’une formation, d’un aéronef militaire, ou d’un navire militaire, qui, volontairement, en temps de guerre ou au cours d’opérations de guerre, ne maintient pas au combat sa formation, son bâtiment ou son aéronef, ou qui se sépare volontairement de son chef en présence de l’ennemi ou de bande armée, est aussi considéré comme en abandon de poste. Il en est de même pour le commandant d’un navire de commerce ou d’un aéronef convoyé ou réquisitionné, en temps de guerre ou au cours d’opérations de guerre, qui abandonne de manière volontaire le convoi dont il fait partie, ou qui désobéi aux ordres. La peine prévue est celle de la réclusion criminelle à perpétuité.

Toute personne embarquée (militaire ou non) qui, volontairement, provoque une telle faute est passible de la même peine.

La circonstance que le militaire soit en faction, en vedette (1), de veille ou de quart, lorsqu’il  abandonne son poste est un facteur aggravant. La sanction encourue dans ces cas est de un an de prison, ou de dix ans si le fait a été commis en temps de guerre, ou sur un territoire en état de siège ou d’urgence, ou encore lorsque la sécurité d’un établissement ou d’une formation militaire, ou bien d’un bâtiment de la marine ou d’un aéronef militaire est menacée.

Il en est de même pour toute personne embarquée qui abandonne sans ordre et en violation des consignes reçues un bâtiment de la marine ou un aéronef militaire en danger (ce qui est passible de deux ans de prison).

Lorsqu’il s’agit du pilote d’un bâtiment de la marine militaire ou d’un navire de commerce convoyé et à fortiori le commandant d’un bâtiment de la marine militaire, ou le pilote d’un aéronef militaire, qui en cas de perte de son bâtiment ou de son aéronef, volontairement et en violation des consignes reçues, ne l’abandonne pas le dernier, la peine prévue est la réclusion criminelle à perpétuité (2).

Est puni de la même peine tout militaire ou toute personne embarquée qui, volontairement, a provoqué l’un de ces manquements.

La désertion

La désertion est le fait pour un militaire de s’évader, de s’absenter sans autorisation, de refuser de rejoindre sa formation de rattachement ou ne de ne pas s’y présenter à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé. Dans ce cas, le militaire est déclaré déserteur après six jours (désertion en France) ou trois jours (désertion en dehors du territoire de la République) à compter du lendemain de celui où l’absence sans autorisation a été constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. En temps de guerre, le délai de constatation de la désertion est réduit des deux tiers (désertion en France) ou à un jour (désertion en dehors du territoire de la République).

Relève aussi de la désertion, le fait de ne pas rejoindre une autre formation de rattachement hors du territoire national, ou d’être absent sans autorisation au moment du départ du bâtiment ou de l’aéronef dont il fait partie de l’équipage, ou à bord duquel il est embarqué. Dans ces cas, la désertion est immédiatement constatée.

La désertion en temps de paix

La désertion d’un militaire, en temps de paix, est punie de trois ans d’emprisonnement (maximum), sauf circonstance aggravante. Parmi les circonstances aggravantes, certaines aboutissent à augmenter le niveau de la peine d’emprisonnement et d’autres à la compléter par une sanction additive.

Le fait de quitter le territoire de la République ou de rester à l’étranger porte la peine de trois ans d’emprisonnement à cinq ans. La difficulté plus importante pour les autorités judiciaires d’une enquête à l’étranger justifie la différence de la sanction.

Dans tous les cas, si le coupable est officier, la perte du grade peut, en outre, être prononcée.

La désertion en temps de guerre, état de siège, état d’urgence, à l’ennemi ou en présence de l’ennemi

La désertion en temps de guerre, ou sur un territoire sur lequel l’état de siège, ou l’état d’urgence a été proclamé, porte la peine d’emprisonnement à dix ans maximum. En temps de guerre, si le coupable est officier, la destitution peut également être prononcée.

Un militaire ou même un non militaire faisant partie de l’équipage d’un navire ou d’un aéronef militaire, ou d’un navire de commerce convoyé qui déserte à l’ennemi est punissable de la réclusion criminelle à perpétuité. Un militaire qui déserte en présence de l’ennemi est punissable de vingt ans de réclusion criminelle. S’il s’agit d’un officier, ou avec complot, la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité.

Les autres circonstances aggravantes

D’autres circonstances peuvent aggraver la peine maximale possible : désertion en emportant une arme ou du matériel de l’Etat, ou lorsque le militaire était de service, ou a déserté en concertation avec plus de deux militaires.

Le fait pour un militaire de déserter à bande armée (fait de rejoindre une bande armée) est puni de vingt ans de réclusion criminelle et si la désertion a été commise avec complot, ou en emportant une arme ou des munitions, la peine prévue est la réclusion criminelle à perpétuité.

La provocation à la désertion et le recel de déserteur

Le fait de provoquer ou favoriser la désertion est punissable en temps de paix, de trois ans d’emprisonnement et de dix ans en temps de guerre.

Le fait d’avoir sciemment recelé un déserteur ou tenté de le soustraire aux poursuites, est punissable d’un emprisonnement de deux ans.

Pour les non militaires, une peine d’amende de 3 750 euros peut, en outre, être prononcée pour la provocation à la désertion, ou le recel de déserteur.

L’insoumission

L’insoumission concerne le fait d’être coupable d’inobservation des obligations relatives au service national. La suppression en France du service militaire en a rendu ces dispositions sans objet, sauf en cas de réactivation toujours possible du service national, en temps de paix ou de guerre.  La peine prévue pour insoumission est d’un emprisonnement d’un an, en temps de paix et de dix ans en temps de guerre. Peut s’y ajouter l’interdiction totale ou partielle de l’exercice des droits civiques, civils et de famille.

Des peines réelles de moins en moins fortes dans les armées

Dans le Code de justice militaire français, c’est la désertion et l’abandon de poste en présence de l’ennemi qui a motivé un très grand nombre de condamnations à mort, aussitôt exécutées, lors de la première guerre mondiale, dans l’armée Française. Depuis, la peine de mort a été abolie en France et les peines ont été allégés, la réclusion criminelle à perpétuité est toutefois encore prévue notamment en cas d’abandon de poste en présence de l’ennemi ou de bande armée.

S’il est certain qu’en temps de guerre, face à l’ennemi ou de bande armée, les sanctions seraient encore très sévères, il n’en est pas de même lorsqu’il s’agit de désertion en temps de paix, hors état de siège et hors état d’urgence.

Une étude du Figaro.fr (publié le 29/10/2007) « Ces soldats qui désertent la Légion étrangère », réalisé par Guillaume Mollaret, a relaté les jugements du tribunal de Nîmes, qui se réunit trois fois par an dans sa formation spécialisées en matière militaire,  concernant des déserteurs, « presque tous issus des rangs de la Légion étrangère ». Trente d’entre eux ont été jugés durant une session. Les condamnations ont été de trois mois de prison avec sursis, alors que la peine maximale prévue par le code de justice militaire est de trois ans d’emprisonnement. En fait l’armée est aujourd’hui assez compréhensive vis-à-vis des déserteurs, du moins en temps de paix et hors situations exceptionnelles.

Le colonel Philippe Lejeune, chef d’état-major du COMLE, cité par l’article du Figaro.fr, a expliqué ainsi cette attitude de l’armée et plus spécifiquement dans la Légion : « Nous travaillons avec des hommes qui ont souvent un passé tourmenté. Il faut essayer de comprendre chaque situation car quoi qu’il arrive, un légionnaire, quelle que soit la raison pour laquelle il est parti, reste toujours un membre de la famille Légion. »

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

 (1) Vedette : militaire placé en sentinelle pour observer et signaler les mouvements de l’ennemi ; ou sentinelle chargée de la sécurité sur un champ de tir.

(2) C’est aussi le cas, pour un commandant non pilote d’un aéronef militaire qui l’abandonne avant l’évacuation des autres personnes hormis le pilote, dans les mêmes conditions.

Sources : Code de justice militaire ; Circulaire du 15 avril 2014 présentant les dispositions des lois n°2011-1862 du 13 décembre 2011 et n°2013-1168 du 18 décembre 2013 relatives aux affaires militaires ; « Ces soldats qui désertent la Légion étrangère » par Guillaume Mollaret lefigaro.fr/ ; cnrtl.fr/lexicographie.

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