Salaire après l’abandon de poste

Salaire et abandon de posteSalaire après l’abandon de poste. L’employeur peut-il stopper tout versement au salarié en abandon de poste ? Quel salaire est dû et quel salaire ne l’est pas, en cas d’abandon de poste ? Rémunération du mois précédant l’abandon de poste non encore versé. Salaire pour le mois de l’abandon de poste. Situation au-delà. Autres éléments de rémunération. Prime de précarité. Rémunérations variables. Remboursements de frais. Et récupération par l’employeur de l’éventuel trop versé au salarié.

Salaire dû et salaire non dû, en cas d’abandon de poste

Quelques employeurs bloquent tout versement de rémunération ou de remboursement de frais au salarié dès un abandon de poste, en voulant l’obliger à se manifester ou pour le punir.

Si des sommes sont dues au titre du travail (ce qui est presque toujours le cas), cela revient à ce que ces employeurs se mettent en faute. Or la faute commise par le salarié en abandonnant son poste, n’autorise pas l’employeur à se mettre dans son tort. L’employeur qui ne verse pas le salaire dû au salarié ayant abandonné son poste donne à celui-ci l’opportunité de prendre acte de la rupture du contrat de travail au tort de l’employeur. Mais qu’est-ce qui est dû au salarié en abandon de poste ?

La rémunération du mois précédant l’abandon de poste

La rémunération du travail effectué avant l’abandon de poste, doit être versée à la date normale. Cette obligation doit être respectée pour le salaire du mois précédent quand il n’a pas encore été versé au moment où survient un abandon de poste dans le début d’un mois. Cela est aussi le cas pour le salaire du mois durant lequel a lieu l’abandon de poste.

Quel salaire pour le mois de l’abandon de poste ?

Pour la période du mois où a lieu l’abandon de poste, le salaire est dû pour la période travaillé qui précède l’abandon de poste. Ce qui est dû à ce titre doit être payé à la date habituelle de paie, en fin de mois ou au début du mois suivant.

Mais à partir de l’abandon de poste, la rémunération va être suspendue. Le salaire étant la contrepartie du travail fourni par le salarié, l’absence injustifiée après un abandon de poste entraîne, en effet, logiquement la suspension de sa rémunération. La Cour de cassation se prononce naturellement dans ce sens (Cour de cassation, chambre sociale, 17 novembre 2010, N° : 09-41280). L’employeur peut suspendre le versement des salaires (arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 18 juin 2002. N° de pourvoi : 00-41.978).

Ainsi, par exemple dans le cas d’un salarié qui abandonne son poste le 11 septembre au soir, dans une entreprise où la date de paie habituelle est le 5 du mois suivant :

Le 5 octobre, le salarié ayant abandonné son poste sera payé pour 11 jours au lieu d’un mois complet. Le calcul sera calculé au prorata du nombre d’heures à payer par rapport au nombre total d’heures qui auraient dû être payées en l’absence de l’abandon de poste.

Situation au-delà du mois de l’abandon de poste

Les mois suivants, tant que le contrat de travail du salarié ayant abandonné son poste ne sera pas rompu, la rémunération restera suspendue, sous réserve des paiements différés correspondant à des sommes dues (voir ci-dessous), et du cas de congés déjà prévus (voir Indemnité de congés payés et abandon de poste).

Droits complémentaires

Tout ce qui est dû au salarié en abandon de poste doit lui être versé. Nous l’avons vu pour le salaire du mois précédent et pour le salaire du mois durant lequel a eu lieu l’abandon de poste. Le treizième mois et l’indemnité de congés payés font l’objet d’articles spécifiques auxquels vous pouvez vous reporter. Mais, il ne faut pas oublier les autres éléments de rémunération et les remboursements de frais, qui concernent certaines catégories de salariés.

Prime de précarité

La prime de précarité concerne les salariés en contrat à durée déterminée. L’abandon de poste suivi d’une rupture du contrat pour faute grave entraîne la perte de  cette indemnité de fin de contrat (article L 1243-10 du code du travail). Cependant, lorsque l’abandon de poste intervient dans une période de renouvellement du contrat, l’employeur devra quand même la prime de précarité au salarié pour la première partie du CDD, précédant le renouvellement.

Si par contre l’employeur ne procède pas à la rupture pour faute grave et laisse le salarié en absence irrégulière jusqu’au terme normal du contrat, la prime de précarité sera due pour la période précédant l’abandon de poste.

Rémunérations variables

Les VRP doivent percevoir leurs commissions au moins tous les trois mois. D’autres salariés, notamment des commerciaux, reçoivent aussi des rémunérations en tout ou en partie variable.

Pour des nécessités de calcul ou de périodicité pluri-mensuelle, des compléments de rémunérations variables ou régularisation de commission, peuvent intervenir de manière décalée. Si un salarié concerné par ce type de rémunération abandonne son poste, les éléments de rémunération qui lui sont dus du fait du travail antérieur à son abandon de poste doivent lui être versés, alors même qu’il est depuis un certain temps en abandon de poste.

Remboursements de frais

De la même manière que pour le salaire correspondant au travail effectué, les frais professionnels engagés de manière régulière par le salarié avant son abandon de poste doivent lui être réglés.

Peu importe, que le règlement doive avoir lieu alors que le salarié est en absence irrégulière et même que les justificatifs des frais soient fournis par le salarié après son abandon de poste. Les sommes qui lui sont dues doivent lui être remboursées dans des délais normaux.

La récupération par l’employeur de l’éventuel trop versé au salarié

Lorsque l’abandon de poste survient dans les derniers jours du mois, la paie ne peut pas toujours prendre en compte l’absence irrégulière des derniers jours. Ils peuvent donc avoir été payés dans un premier temps, mais l’employeur sera alors en droit de récupérer les sommes indûment versées au salarié. Le salaire étant la contrepartie du travail, son versement n’est pas dû lorsqu’il y a eu abandon de poste.

Le salarié n’est pas en droit de conservé un salaire non dû, car « Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition [comprendre : à remboursement] » (article 1235 du Code civil) et « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu » (article 1376 du Code civil).

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L’employeur dispose d’un délai de trois ans à compter du jour où il a connu, ou aurait dû connaître, les faits pour exercer son action en répétition du salaire (article L3245-1 du Code du travail).

La reprise du salaire indu devra être indiquée de manière claire sur le bulletin de salaire.

En pratique, l’employeur reprendra, le plus souvent, le salaire versé à tort pour les premiers jours de l’abandon de poste sur les sommes dues au titre de l’indemnité de congés payés.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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Comments

  • Sophie dit :

    Bonjour,
    Avant tout merci pour vos précieux conseils !
    Mon cas : abandon de poste le 03/06 dans une société qui établit et saisit les salaires vers le 12 du mois.
    Aucune nouvelle de mes employeurs, même si la situation est claire et actée de ma part à ma hiérarchie.
    Il me semble qu’ils ont 2 mois réglementaires pour me signifier mon licenciement, me sortir de leurs effectifs et me verser mon solde tout compte.
    Cependant, sommes-nous d’accord sur le fait qu’ils soient tenus de me verser mon salaire de juin ? Comprenant donc la 2scde moitié de mai et 3 jours de juin ?
    Les salaires ont été versés depuis le 27 à toute mon équipe, toujours pas de nouvelle me concernant.
    Votre article est assez clair, je connais mes droits mais ai un doute, si vous pouviez me rassurer avant que je ne balance un mail salé à mon service gestion de paie, je vous en serai particulièrement reconnaissante !
    Dans l’attente,
    Bien cordialement.

    • admin2412 dit :

      Bonjour,
      En vous lisant, je n’ai pas compris quand votre entreprise saisit les salaires et quand elle verse les salaires. Je suis surpris quand vous parlez d’une paie rémunérant la seconde quinzaine de mai et la première partie de juin… Vous devriez étudier attentivement les derniers bulletins de salaire en votre possession.
      Normalement, une entreprise :
      • calcule les salaires peu de temps avant de les verser,
      • et verse les salaires en fin de mois ou dans le début du mois suivant (salaire rémunérant le travail de mai, fin mai ou début juin et salaire rémunérant le travail de juin, fin juin ou début juillet).
      Dans cette logique, vous avez dû, ou auriez dû, percevoir votre salaire du mois de mai (vous n’étiez pas alors en abandon de poste) fin mai ou début juin et vous auriez dû recevoir votre paie de juin (pour 2 ou 3 jours, selon que votre abandon de poste a eu lieu le 3 juin au matin ou le 3 juin après une journée travaillée) fin juin, ou devriez la recevoir début juillet.
      Si vous êtes commerciale et payée sur la base de commissions de manière décalée, c’est bien sûr plus compliqué. Mais de toute façon, Vous devez être payée pour votre travail réalisé avant votre abandon de poste.
      Concernant les deux mois, pour le licenciement, les choses ne sont pas si simples :
      • D’abord, l’employeur n’est pas dans l’obligation de licencier le salarié en abandon de poste et absence irrégulière (voir les risques pour le salarié en CDI en abandon de poste).
      • Ensuite, à partir du moment où l’absence irrégulière se poursuit, elle reporte le délai de deux mois, c’est donc la motivation du licenciement qui ne pourra pas être basé sur le seul abandon de poste (voir la page Quand le licenciement est-il possible ? et les jurisprudences auxquelles cette page renvoie).
      • Enfin, le délai de deux mois après que l’employeur ait eu connaissance d’une faute du salarié s’applique à l’engagement de la procédure légale de licenciement par l’envoi de la convocation à un entretien préalable et non à la notification du licenciement (élément final de la procédure).
      Bien cordialement.

  • Jacqueline dit :

    Bonjour à tous,

    J’ai fais un abandon de poste le vendredi 16 juin, afin d’éviter un licenciement pour faute, j’ai « volé » un article de ma marque (acte manqué et effectivement acte ridicule), avant ça j’ai pris mes congés payés du 1 au 15 juin, j’aimerai savoir si j’allais recevoir mon salaire pour les 2 semaines?
    En vous remerciant par avance.

    • admin2412 dit :

      Bonjour,
      Je ne comprends pas que vous disiez que vous avez fait un abandon de poste pour éviter un licenciement pour faute. Un licenciement pour abandon de poste est un licenciement pour faute et presque toujours pour faute grave. Si votre employeur vous licencie, ce qu’il n’est pas obligé de faire (voir les risques de l’abandon de poste pour le salarié en CDI), vous le serez donc pour faute.
      Pour ce qui concerne le salaire après l’abandon de poste, vous devrez recevoir la rémunération pour vos congés payés du 1er au 15 juin et ne ne serez normalement plus payées à partir de votre abandon de poste du 16 juin. Le principe est : pas de travail = pas de salaire, hors congés dûs au salarié.
      Cordialement.

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