Licenciement dix mois plus tard
Abandon de poste après des congés annuels et licenciement dix mois plus tard. Dans quelles conditions un licenciement pour faute grave est-il possible de nombreux mois après un abandon de poste ? La salariée n’avait pas repris son travail après des congés annuels, une première procédure de licenciement avait été abandonnée et la salariée n’avait pas repris son travail. Après une mise en demeure sans résultat, la salariée a été licenciée pour faute grave dix mois après l’abandon de poste. Jurisprudence de la cour de cassation.
Le contexte de l’abandon de poste et du licenciement tardif
Une salariée, engagée comme secrétaire après-vente en juin 1985, n’a pas repris son travail le 25 septembre 2002 après ses congés annuels, ce qui constituait un abandon de poste. Interrogée par écrit sur son absence par son employeur, en réponse elle a invoqué le 17 octobre 2002 un accord oral avec le gérant de la société pour son licenciement avec transaction financière. Convoquée à un entretien préalable devant se tenir le 25 novembre 2002 elle ne s’y est pas rendue. La procédure a ensuite été suspendue.
Plus de six mois plus tard, le 16 juin 2003, elle s’est rendue dans l’entreprise pour indiquer à l’employeur qu’elle ne désirait pas reprendre son travail. Après avoir été mise en demeure par écrit le 19 juin 2003 de reprendre le travail avant le 25 juin 2003, son absence a été constatée et elle a convoquée à un entretien préalable le 22 juillet 2003 auquel elle ne s’est pas présentée. Elle a ensuite fait l’objet d’un licenciement pour faute grave le 25 juillet 2003.
Le contentieux prud’homal suite au licenciement pour faute grave
La salariée a alors saisi la juridiction prud’homale. Le jugement d’appel a abouti à un arrêt la déboutant de toutes ses demandes et disant fondé le licenciement pour faute grave (cour d’appel de Riom, 17 mai 2005).
L’argumentation du pourvoi de la salariée
La salariée a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel.
Son argumentation devant la Cour de cassation reposait sur la règle selon laquelle « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance ». Or en l’espèce, l’employeur connaissait son absence injustifiée depuis le 3 octobre 2002 et avait commencé une première procédure de licenciement en novembre 2002, ensuite abandonné. C’est ensuite seulement le 19 juin 2003 que l’employeur l’a mise en demeure de reprendre son travail et c’est en juillet 2003 que la nouvelle procédure de licenciement a été engagée.
Selon l’argumentation de la salariée : le délai de deux mois étant dépassé, en jugeant qu’une nouvelle procédure de licenciement pouvait être engagée en juillet 2003, la cour d’appel a violé l’article L 122-44 du code du travail (texte cité au paragraphe précédent, aujourd’hui repris à l’article L 1332-4 du code du travail).
En outre, la salariée reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir répondu à l’argument selon lequel « la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du contrat de travail même pendant la durée limitée du préavis », puisque ce qui lui était reproché durait depuis dix mois, la faute ne pouvait rendre impossible le maintien du contrat de travail pendant deux mois supplémentaire.
L’arrêt de la Cour de cassation
La Cour de cassation a indiqué que « si aux termes de l’article L 122-44 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d’un fait antérieur à 2 mois dans la mesure où le comportement du salarié s’est poursuivi dans ce délai ». La Cour de cassation a relevé « qu’il n’était pas contesté que l’absence injustifiée de la salariée avait persisté dans le délai de deux mois antérieur à la lettre de licenciement du 25 juillet 2003, après que la salariée ait été mise en demeure le 19 juin 2003 de reprendre son travail », pour en conclure que la cour d’appel a eu raison d’écarter l’argument tiré de la prescription du délai.
Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel « ayant fait ressortir que la salariée avait persisté dans son refus de reprendre son travail, malgré la mise en demeure » par lettre recommandée du 19 juin 2003 de réintégrer son poste dans les six jours, « la cour d’appel a pu décider que son absence injustifiée depuis le 25 septembre 2002 était constitutive d’une faute grave ».
La Cour de cassation, ayant considéré non fondés les arguments de la salariée, a rejeté son pourvoi (Cour de cassation, chambre sociale, 5 décembre 2007, N° : 06-44123).
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Conclusion : L’article L 122-44 du code du travail (repris aujourd’hui à l’article L 1332-4 du code du travail) prescrit qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu « à lui seul » à l’engagement de poursuites disciplinaires, au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance. Si l’absence injustifiée suivant l’abandon de poste se poursuit, il s’agit d’une faute complémentaire, le licenciement est donc possible au-delà des deux mois ! Mais l’employeur doit invoquer les faits fautifs se trouvant dans la période de moins de deux mois précédant le licenciement : absence injustifiée qui se prolonge, réitération par le salarié de son refus de reprendre son travail (ou non réponse) après une mise en demeure.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
Concernant la conséquence de l’invocation du seul abandon de poste, au-delà de la période de deux mois, voir : Licenciement après deux mois de l’ex-épouse
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Sources : Jurisprudences de la Cour de cassation – Légifrance.gouv.fr
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