Procédure abandon de poste et présomption de démission
4 juillet 2023.
Avant de lancer la procédure légale suite à un abandon de poste pour invoquer la présomption de démission
L’employeur ne doit pas se précipiter à mettre en œuvre la procédure pour invoquer la présomption de démission suite à un abandon de poste. Mieux vaut d’abord rechercher les causes et étudier les circonstances de ce qui semble être un abandon de poste. Puis ensuite, soit décider de ne pas agir, soit mettre en œuvre la procédure obligatoire. Et dans certains cas, il peut même avoir intérêt à rechercher un arrangement amiable avec le salarié.
A lire : Employeur : que faire suite à l’abandon de poste d’un salarié ?
L’employeur doit rechercher les causes et étudier les circonstances de ce qui semble être un abandon de poste
Dans un premier temps, l’employeur a intérêt à mener certaines actions, avant d’en arriver à la procédure obligatoire permettant de considérer un salarié en CDI en abandon de poste comme démissionnaire. Il est, en effet essentiel que l’employeur s’informe avant de conclure à un abandon de poste et analyse les circonstances.
Ensuite, l’employeur devra obligatoirement suivre la procédure légale, avant de pouvoir considérer que l’abandon de poste est une démission du fait de la présomption créée par le législateur.
L’employeur peut ne pas agir suite à l’abandon de poste
Cependant, l’employeur peut ne pas agir rapidement, voire ne jamais réagir à l’abandon de poste. Car lancer la procédure légale suite à un abandon de poste pour faire valoir la présomption de démission est facultatif. Tant que l’employeur n’aura pas mener la procédure jusqu’au bout, le contrat de travail sera simplement suspendu jusqu’à un éventuel retour du salarié. Ou jusqu’à un licenciement sur un autre motif que l’abandon de poste.
Le contrat de travail n’étant pas rompu, l’employeur ne doit délivrer ni une attestation destinée à Pôle emploi, ni un certificat de travail, ni un solde de tout compte. Et il doit continuer à éditer un bulletin de salaire chaque mois, avec un montant à zéro pour toute la durée de l’absence irrégulière. En effet, le salarié ne sera pas payé pour la période d’absence irrégulière. Par contre, l’employeur doit verser le salaire du pour la période qui précède l’abandon de poste.
A défaut, pour percevoir des indemnités, le salarié pourrait soutenir que l’employeur est fautif et a rompu le contrat de manière abusive.
Elément essentiel de la procédure, une mise en demeure est obligatoire pour considérer l’abandon de poste comme une démission
Pour présumer la démission du salarié suite à l’abandon de poste, l’employeur doit obligatoirement mettre en demeure le salarié.
Qu’est-ce qu’une mise en demeure ?
La mise en demeure consiste à interpeller celui qui la reçoit, parce qu’il n’a pas exécuté son obligation. En l’espèce, de travailler à son poste. L’appellation « mise en demeure » désigne à la fois le document de notification et les conséquences de sa réception. A partir de la notification de la mise en demeure, celui qui l’a reçue « est en demeure » (juridiquement obligé) de faire ce qui lui est demandé. Et s’il ne le fait pas, dans le délai fixé, il y aura des conséquences juridiques.
Lettre de mise en demeure par l’employeur au salarié
En pratique, s’agissant des suites de l’abandon de poste d’un salarié en CDI, l’employeur doit demander par écrit au salarié « de justifier son absence et de reprendre son poste ». Conformément à l’article L1237-1-1 du code du travail.
Pour ne pas risquer que la validité de la mise en demeure soit contestée, l’employeur a intérêt à reprendre exactement cette formulation du législateur. Même si elle n’est pas judicieuse, puisque si le salarié justifie son absence par un motif légitime qui se poursuit, il n’y a pas abandon de poste et le salarié n’a pas à le reprendre !
Outre la demande au salarié de justifier son absence et de reprendre son poste, la mise en demeure doit indiquer le délai * maximum dans lequel le salarié doit reprendre son poste en l’absence de justification légitime de ne pas le reprendre. Et, elle doit préciser que, passé ce délai, s’il n’a pas repris son poste, il sera présumé démissionnaire et tenu de respecter un préavis.
*Voir plus loin.
L’employeur peut également prévenir dans la mise en demeure que le salarié considéré démissionnaire n’aura, en conséquence, pas droit aux allocations chômage.
Mode de présentation de la mise en demeure au salarié
La demande de l’employeur, qui constitue une mise en demeure, est à adresser au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette solution est à privilégier. Même si le texte légal a prévu une seconde possibilité : la remise en main propre contre décharge *. Car, en pratique, le salarié en abandon de poste étant, par définition, absent de son poste, cela semble impossible. La Cour de cassation considérera probablement que la remise par huissier est valable. Mais le législateur ne l’ayant pas prévu, mieux vaut en rester à l’envoi par lettre recommandée avec avis de réception.
* La décharge consiste en un double de la lettre remise en main propre, sur lequel le salarié doit apposer la date de sa réception après la mention « reçue en main propre le…. » et sa signature. Cette décharge n’a pas d’autre signification que de reconnaître la réception de la lettre ; elle ne vaut aucune acceptation ou réponse.
Attention à l’adresse : L’employeur doit vérifier dans ses services que le salarié n’a pas communiqué une nouvelle adresse. Il arrive, en effet, qu’une nouvelle adresse ne soit pas retranscrite dans les différents services, ou dossiers de l’entreprise. En cas de doute, l’envoi de la même lettre à plusieurs adresse est possible.
L’envoi à une autre adresse, que la dernière communiquée par le salarié à l’entreprise, rendrait nulle la mise en demeure. Par contre, la présentation à l’ancienne adresse est valable, si le salarié n’a pas communiqué son changement de domicile à l’employeur.
Réception de la mise en demeure
Il peut arriver que le salarié refuse de signer cette décharge ou n’appose pas la mention et la date. Dans ce cas, l’employeur doit lui envoyer la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception.
Le refus par le salarié de prendre la lettre, son absence lors de présentation par le facteur, ou le fait qu’il n’aille pas la chercher à la poste si un avis de présentation lui a été laissé en son absence, n’a aucun effet. C’est bien la date de la première présentation de la lettre recommandée qui compte.
Délai de réponse laissée au salarié
Sur la lettre de mise en demeure, l’employeur précise le délai dans lequel le salarié doit reprendre son poste. Selon le décret d’application de la loi, ce délai ne peut pas être inférieur à 15 jours calendaires *. Les conventions collectives et les accords d’entreprise pourront éventuellement prévoir un délai minimum plus long.
* Les jours calendaires comprennent tous les jours (samedi, dimanche et jours fériés inclus).
Attention : Le point de départ du délai fixé par l’employeur est le jour de présentation par les services de la poste de la lettre recommandée, ou le jour de remise en main propre contre décharge.
Par conséquent :
- Dans la lettre de mise en demeure, le mieux est d’indiquer « délai de quinze jours (ou +) à compter de la présentation de la présente lettre ».
- Et pour connaître la date de fin du délai, l’employeur devra attendre le retour par la poste de l’avis de réception. Si le salarié n’a pas pris la lettre, ce retour n’aura pas lieu avant 17 jours au moins, puisque la poste conserve 15 jours les lettres recommandées non prises par le destinataire.
Situations possibles à l’issue du délai fixé pour la reprise du poste après la mise en demeure
Le salarié peut reprendre ou non son poste. Il peut aussi répondre ou non à la lettre de mise en demeure envoyée par l’employeur. En fait, au moins cinq situations différentes peuvent se présenter.
Le salarié ne reprend pas son poste, sans justifier son absence : La présomption de démission s’applique
Si le salarié ne reprend pas son poste dans le délai et ne justifie pas d’une absence légitime, l’abandon de poste pourra être considéré comme une démission par l’employeur. La démission présumée est prise en compte le jour de l’expiration du délai fixé par l’employeur pour la reprise du poste, dans la mise en demeure.
A partir de là, commence la durée du préavis de démission.
Le code du travail ne précise pas si l’employeur doit indiquer au salarié qu’il prend en compte sa démission. L’employeur peut faire ce choix, afin d’éviter une situation ambiguë si le salarié revient après la fin du délai fixé dans la mise en demeure. Il peut le faire dans les mêmes formes que la mise en demeure. L’employeur précisera alors au salarié que : « conformément à l’article L1237-1-1 du code du travail, suite à sa non reprise du travail et l’absence d’une justification d’absence légitime, à l’échéance du délai fixé dans la mise en demeure, qui lui a été envoyée (ou remise), j’ai pris en compte votre démission ». Il sera aussi possible de préciser que « le préavis de démission prendra fin à telle date /ou sera d’une durée de …. ».
Un risque subsistera toutefois pour l’employeur. Le salarié peut, en effet, contester la présomption devant le Conseil de prud’hommes (voir plus loin).
Le salarié reprend son poste et justifie son absence
Si le salarié justifie valablement son absence et reprend son poste, il n’y a pas eu d’abandon de poste.
Si le motif d’absence est légitime, l’employeur pourra, tout au plus et selon les circonstances, reprocher au salarié le fait d’avoir tarder à justifier son absence. En pratique, l’employeur devra tenir compte d’une impossibilité de prévenir rapidement, dans laquelle a pu se trouver le salarié.
L’article R1237-13 du code du travail indique comme « motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission, […] notamment, des raisons médicales, l’exercice du droit de retrait prévu à l’article L. 4131-1, l’exercice du droit de grève prévu à l’article L. 2511-1, le refus du salarié d’exécuter une instruction contraire à une réglementation ou la modification du contrat de travail à l’initiative de l’employeur ». Mais attention, cette liste de motif n’est pas exhaustive et il est certain que les juridictions reconnaitront d’autres motifs légitimes. Voir : Départ du poste et absences légitimes.
Le salarié ne reprend pas son poste, mais justifie d’un motif d’absence
Le salarié peut aussi ne pas reprendre son poste, tout en justifiant d’un motif d’absence légitime, (arrêt maladie, ou autre). Si cette justification couvre toute la période d’absence et se poursuit, l’employeur ne peut pas considérer le salarié comme démissionnaire, ni le sanctionner.
Le salarié reprend son poste sans justifier son absence
Le salarié reprend son poste, mais il ne justifie pas avoir eu un motif légitime pour son absence jusque-là. Du fait que le salarié aura repris son poste, l’employeur ne pourra pas considérer qu’il y a eu démission. Et il ne pourra non plus le licencier. Mais il pourra sanctionner l’absence irrégulière sans rompre le contrat de travail.
Le salarié ne reprend pas son poste, et ne justifie que l’absence postérieure à la mise en demeure
Enfin, le salarié peut ne pas reprendre son poste et justifier (avant l’échéance fixée par la mise en demeure) son absence à venir, mais pas l’absence depuis le début, en fournissant un certificat d’arrêt de travail débutant après la mise en demeure.
Le salarié justifiant son absence même partiellement, l’employeur ne peut pas considérer le salarié comme démissionnaire, mais il peut le sanctionner pour la période d’absence irrégulière.
Suite de la procédure pour abandon de poste lorsque la présomption de démission s’applique
Préavis
Le préavis de démission commence au moment limite fixée dans la mise en demeure par l’employeur, pour la reprise du travail par le salarié.
Le salarié est tenu de respecter un préavis de démission, sauf si l’employeur décide de l’en dispenser ou si l’employeur accepte une demande du salarié de ne pas l’effectuer. Dans le premier cas, l’employeur devra payer le salarié pendant la période de préavis et dans le second il n’y aura pas de paiement.
Mais une autre situation peut, fréquemment, se présenter suite à un abandon de poste. Le salarié peut ne pas se présenter et ne pas se mettre en rapport avec l’employeur, en prolongeant son absence irrégulière. Sauf si l’employeur a pris l’initiative de dispenser le salarié du préavis, il sera en droit de réclamer une indemnisation au salarié. Mais, pour l’obtenir, il devra la demander devant le Conseil de prud’hommes.
Solde de tout compte et remise des documents de fin du contrat de travail lorsque la procédure suite à abandon de poste a aboutie à la présomption de démission
L’employeur règle les sommes restant due au salarié : généralement l’indemnité compensatrice de congés payés et éventuellement un solde de salaire pour la période travaillée avant l’abandon de poste.
Puis l’employeur remet au salarié, comme pour n’importe quelle démission, les documents de fin de contrat : certificat de travail, reçu pour solde de tout compte et attestation destinée à Pôle Emploi (malgré que sauf motifs de démission légitime admis par Pôle Emploi, les démissionnaires par application de la présomption n’auront pas droit aux allocations de chômage).
Le salarié pourra contester la démission devant les prud’hommes
Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour contester avoir démissionné. La présomption de démission n’est, en effet, qu’une présomption simple. Pour ce faire, le salarié justifiera son absence, par un motif que l’employeur n’avait pas considéré valable, ou que le salarié n’avait pas indiqué à l’employeur. Or, en l’absence de jurisprudence, il n’est pas possible de savoir si la juridiction prud’homale acceptera, ou non de prendre en compte un motif que le salarié n’a pas préalablement indiqué à l’employeur.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Selon la loi, le bureau de jugement statue dans un délai d’un mois à compter du dépôt de la demande. Mais, en réalité de l’avis général, du fait de l’encombrement des juridictions, cela prendra certainement beaucoup plus longtemps.
La juridiction recherchera la nature réelle de la rupture du contrat de travail. Il dira probablement qu’il s’agit d’une démission (en confirmant la présomption), ou d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ou, autres hypothèses avancées par l’administration : d’une prise d’acte, ou d’un licenciement….
La partie insatisfaite du jugement pourra contester devant la Cour d’appel. Et dans certains cas, il y aura pourvoi en cassation. C’est ainsi que se formera, dans quelques années, la jurisprudence relative à la présomption de démission suite à un abandon de poste.
A lire aussi : 7 risques de l’abandon de poste pour l’employeur
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et dernièrement Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Sources : Loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, article 4 ; Article L.1237-1-1 du Code du travail ; Décret n° 2023-275 du 17 avril 2023 sur la mise en œuvre de la présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire du salarié.
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Bonjour,
Après un abandon de poste en CDI suite à un refus de rupture conventionnelle à mon initiative, combien de mois max l’employeur peut il suspendre mon contrat de travail ? existe t il une limite dans le temps ?
Merci de votre réponse,
Daniel
Bonjour,
Après un abandon de poste, vous êtes en absence irrégulière. L’employeur n’est pas obligé de vous licencier, ou peut vous faire longuement attendre, même si ce-faisant il prend lui-même des risques.
Je vous conseille de lire l’article sur les risques de l’abandon de poste pour le salarié en CDI.
Si vous souhaitez mettre fin à une attente interminable, vous pouvez vous présenter à votre travail, pour le reprendre. Si votre employeur n’en pas heureux, il pourra vous sanctionner pour votre absence irrégulière… S’il n’engage pas un licenciement (éventuellement précédé d’une mise à pied conservatoire), il devra vous payer à partir de votre retour.
Bien cordialement.
Bonjour, j’ai oublié de renouveler mon congé parental le 30/08/2016. Pensant l’avoir envoyé je me suis présentée pour reprendre mon poste le 12 mai 2017 soit 9 mois plus tard et mon employeur m’indique ne plus vouloir que je reprenne mon poste car il n’a plus de nouvelles de moi depuis le 30/08/2016 ,je lui ai dit que si il souhaitait me licencier pour abandon de poste il aurait du m’envoyer un courrier dans les 2 mois où il a constaté que je n’ai pas repris mon poste, or là il a m’a laissée 9 mois sans m’indiquer mon oubli que puis-je faire ?
Bonjour,
Le mieux serait que vous voyez un avocat en droit du travail. De toute manière, sauf à ce que votre employeur vous rende votre travail, vous en aurez besoin, car vous devrez saisir le conseil de prud’hommes. Mieux vaut aussi qu’un avocat proche de chez vous, avec lequel vous pourrez vous entretenir, vous conseille et suive votre affaire dès maintenant jusqu’à son issue. Il y a une stratégie à développer.
A défaut d’un rendez-vous dans les jours prochains avec un avocat, si votre employeur ne vous a pas laissée reprendre votre travail et que rien d’autre ne s’est passé depuis le 12 mai, vous devriez au plus vite lui envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, en gardant précieusement la copie de votre lettre et l’accusé réception. Il s’agit de vous donner une preuve.
Dans cette lettre vous devrez rappeler à votre employeur que vous vous êtes présentée le 12 mai 2017 pour reprendre votre travail et qu’il a refusé votre reprise du travail. Vous devrez de plus lui confirmer que vous êtes à sa disposition pour reprendre votre travail depuis cette date.
Cela ne résoudra sans doute pas votre problème, mais vous aurez un élément en main. Pour la suite, voyez avec un avocat, ou éventuellement avec un défenseur syndical.
Bon courage. Cordialement.